vendredi 1 novembre 2013

1075, agent très spécial

1075 est un Agent de sécurité chargé de surveiller les Manifestations à Haut risque que sont les lectures publiques dans un futur proche. les seuls livres en circulation sont des livres officiels classés selon les émotions qu'ils procurent et célébrés par la population à l'occasion de grandes manifestations cathartiques. La dictature en place repose sur ces hommes qui ont la particularité d'être analphabètes et de tout devoir au Service National. Suite à un accident lors d'une manifestation, 1075, le meilleur d'entre eux, se met à douter.
Dans cette société où l'analphabétisme est le meilleur moyen pour s'élever et être modelé comme le pouvoir le veut, ces jeux du cirque littéraires sont un nouveau moyen de capter les citoyens et de les maintenir sous le joug de la dictature. Il ne s'agit pas de pain ni de spectacles violents mais la manifestation du pouvoir des mots et de leur emprise sur les foules. Le peuple doit se laisser submerger par les émotions pour ne pas se poser trop de questions, or, 1075, à l'instar du pompier Montag dans Fahrenheit 451, finit par succomber au tabou ultime.
Avec une économie de moyens et une réflexion intelligente, Cécile Coulon nous propose un joli roman sur la littérature et le pouvoir évocateur des mots. Cette fois encore, je reste un peu sur ma faim. Tout y est, même le style, mais il me manque quelques pages de plus. 
Le rire du grand blessé, Cécile Coulon, Viviane Hamy, 2014

vendredi 25 octobre 2013

Le Liban en plein coeur

Georges, militant d'extrême gauche, rencontre Sam un juif de Salonique, qui a échappé au régime des colonels. Une amitié se tisse entre les deux hommes et lorsque Sam tombe gravement malade, il fait promettre à Georges de monter l'Antigone de Jean Anouilh au Liban avec des comédiens de toutes les confessions et de tous les camps. Georges ne peut pas lui dire non. Délaissant sa femme et sa fille, il part à Beyrouth en ce début d'année 1982.
A son arrivée à Beyrouth, Georges va rencontrer chacun des comédiens. Il fait tout ce qu'il peut pour lever les difficultés, les réticences afin que tous puissent se retrouver pour quelques jours de répétitions et pour une unique représentation dans un ancien cinéma au coeur des combats. Au fur et à mesure de ses rencontres, Georges découvre les différentes interprétations que font les comédiens du texte en fonction de leur culture, leur religion ou leurs sentiments.
Pris entre ses convictions et les horreurs de la guerre, Georges tente malgré tout de mener à bien ce projet magnifique et utopique. Il ne s'agit plus d'afficher des convictions loin du terrain des opérations mais de les confronter à la réalité, au quotidien de ceux qui souffrent et qui ont tous de bonnes raisons de se défendre.
Sorj Chalandon nous embarque avec lui trente ans en arrière dans le feu et le sang des combats alors qu'il était reporter de guerre. Il recrée avec précision odeurs, images, bruits et nous précipite dans l'enfer de la guerre. J'en suis restée retournée. Il m'a fallu un peu de temps pour me remettre de ce livre mais c'est la marque des grands bouquins.
Le quatrième mur, Sorj Chalandon, Grasset, 2013

mercredi 16 octobre 2013

Rafael Claramunt et consorts

Maria Cristina Väätonen est devenue un écrivain célèbre en publiant très jeune La vilaine soeur, un roman qui lui a permis de régler ses comptes avec sa famille perdue dans un petit bourg du grand Nord canadien. Elle a laissé derrière elle un père taciturne, une mère déséquilibrée et une soeur jalouse. Alors qu'elle n'a plus aucune relation avec sa mère, cette dernière l'appelle à l'aide et lui demande de récupérer Peeleete, l'enfant de sa soeur Meena.
D'une écriture ciselée, soutenue par une narration originale, oscillant entre humour et gravité, Véronique Ovaldé analyse les racines d'un mal-être et d'une vocation littéraire. La vie de Maria Cristina nous est présentée d'un point de vue extérieur. Le narrateur, sorte de biographe, pèse, ausculte chacune des constantes qui ont fait d'elle la femme et l'écrivain qu'elle est devenue. Cette enquête commence dans sa famille où elle sort traumatisée par un mère bigote et sa culpabilité à l'égard de l'accident de Meena. Elle nous conduit à son départ pour l'université et sa rencontre avec Rafael Claramunt, un écrivain qui devient son amant et son pygmalion, jusqu'à son premier roman et sa nouvelle vie.
Chaque protagoniste est ainsi passé au crible, chaque moment terrible de son existence est passé au peigne fin. Le lecteur sait beaucoup de cette femme discrète qui s'est construite peu à peu, a pris son indépendance et a exorcisé comme elle a pu ses blessures. Tous les personnages ont leur part d'ombre dans ce roman mais ils ne deviennent pas tous des perdants, des plagiaires ou des brigands. D'un côté Judy Garland, personnage mutique, qui a probablement été en maison de redressement (qu'il appelle pudiquement centre sportif) et s'avère être un homme fiable ; de l'autre côté Rafael Claramunt, un authentique mystificateur qui maintient autour de lui l'image et l'aura du grand écrivain qu'il n'est plus.
J'ai aimé ce beau destin de femme et ses personnages atypiques mais le côté artificiel de la construction du roman m'a beaucoup gênée. Je ne suis jamais rentrée vraiment dedans et je me suis parfois même un peu ennuyée. Je reste au final mitigée devant ce magnifique écrin qui enserre une pierre semi-précieuse.
La grâce des brigands, Véronique Ovaldé, Ed. de l'Olivier, 2013






Merci encore à Priceminister pour ce livre !
Voici ma note : 14/20

vendredi 11 octobre 2013

Une ambiance délétère

Holly se réveille tard le matin de Noël. Rien ne va. Le repas n'est pas prêt, son mari part en trombe pour aller chercher ses parents à l'aéroport et sa fille lui fait la tête parce qu'ils n'ont pas ouvert les cadeaux ensemble comme à leur habitude. Sa fille Tatty est une adolescente aimante mais son comportement est étrange ce jour-là. Quelque chose trouble Holly mais elle n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Quelque chose qu'elle aurait rapporté de Sibérie, là où elle est allée chercher sa fille Tatiana.
Laura Kasischke signe une narration extrêmement bien construite. La tension montent peu à peu et elle sait vous tenir en haleine jusqu'au dénouement final. Qu'est-ce qui trouble autant Holly ? Que s'est-il passé en Sibérie ? Qu'arrive-t-il à sa fille dont le comporte est si inhabituel ? Tout concoure à créer cette étrange atmosphère : ce blizzard qui s'est levé, cette neige qui tombe, se dépose et s'égraine comme les pensées d'Holly. Cette ambiance duveteuse et éthérée vous entraîne dans une histoire à la lisière de l'inconscient...
Esprit d'hiver, Laura Kasischke, Bourgois, 2013

mercredi 2 octobre 2013

Mères en souffrance

Béatrice est auxiliaire de puériculture. Tous les jours, elle passe dans les chambres des femmes tout juste accouchées. Elle se souvient de sa vie passée lorsqu'elle sillonnait l'Europe avec des musiciens et des travestis et qu'elle dansait tous les soirs. La sédentarité et le manque de liberté lui pèse ainsi que ce milieu hospitalier qu'elle présente comme un univers carcéral qui emprisonne et maltraite les femmes.
Julie Bonnie fait un récit très largement autobiographique de sa vision très sombre de la maternité et de l'accouchement. Seules les femmes en souffrance, contraintes par la société à être de bonnes mères l'intéressent. Dans ce panorama, une femme fait figure d'exception : elle est heureuse. Son bonheur est critiqué par le personnel et ponctué par les commentaires négatifs de Béatrice sur son travail...
Je ne crois pas avoir une vision idéalisée de la maternité, mais trop c'est trop. La dénonciation à charge d'un système et d'une société sans nuances manque sa cible à mon sens. J'ai lu un bien plus beau texte sur le corps féminin et la violence faite aux femmes, il y a quelques années, il s'agit du très beau Qui touche à mon corps, je le tue de Valentine Goby. La forme comme son contenu m'avaient bouleversé et ce texte me paraît beaucoup plus intéressant sur ce thème que le livre de Julie Bonnie.
Chambre 2, Julie Bonnie, Belfond, 2013

vendredi 27 septembre 2013

Trafics post mortem



La fin de la guerre s'approche, les soldats de chaque camp s'observent et attendent. Les gars tiennent le bon bout, on est le 2 novembre 1918, pourquoi risquer de perdre sa vie. Les officiers dont fait partie le lieutenant Aulnay-Pradelle ne l'entendent pas ainsi. Conquérir une côte ou une tranchée supplémentaire, c'est être plus fort à la table des négociations. Le lieutenant y tient d'autant plus que cette lui permet de redorer le blason de sa famille et d'être auréolé de la gloire des héros de guerre. Pour remotiver ses troupes, il leur fait croire que les Allemands ont tué deux de leurs compagnons aux avant-postes alors qu'il tire dans le dos de ces malheureux. Albert a la malchance de découvrir le pot-aux-roses et réchappe de peu à la mort grâce à l'intervention d'Edouard, qui est grièvement blessé.
L'avenir est sombre pour les poilus. Ils ne retrouvent pas leur place dans la société remplacés par d'autres au travail ou trop traumatisés pour vivre normalement Albert, comme d'autres, a perdu son travail de comptable et sa petite amie. Il a également une dette envers Edouard qui reste défiguré par un obus. Quelle vie peut-il mener avec ce trou béant qu'il a à la place de la bouche et de la gorge ? Edouard s'enfonce peu à peu dans la drogue pour combattre sa douleur physique et morale mais une idée voit le jour peu à peu : il va monter une combine incroyable avec Albert qui consiste à vendre des monuments funéraires dédiés aux héros de la guerre.
Aulnay-Pradelle, comme nos deux compères, profite aussi de cet étrange climat pour créer son affaire. Il est chargé par l'Etat de s'occuper des cimetières militaires, de rassembler les corps des soldats morts, de les identifier et de les enterrer décemment. Pierre Lemaitre nous décrit ce chaos incroyable des exhumations funéraires qui occasionna un véritable scandale. 
J'ai suivi avec beaucoup de plaisir les tribulations de ces trois personnages qui présentent chacun une facette de la guerre : un rescapé, une gueule cassée et un soi-disant héros. Leurs motivations, leurs émotions sont très bien décrits. Chacun, par sa propre existence, pose la question de son devenir à un Etat qui veut oublier, masquer les horreurs de la guerre, planquer les vivants encombrants pour glorifier les vertus et les valeurs des disparus. Ce iatus, Pierre Lemaitre, le montre très bien dans les différentes strates de la société française, c'est ce qui rend son livre riche et lui donne une véritable épaisseur.
Au revoir-là-haut, Pierre Lemaitre, Albin Michel, 2013

lundi 16 septembre 2013

La cravate

Taguchi Hiro vient de sortir de chez lui après être resté enfermé deux ans dans sa chambre. Il se rend au parc où il conserve de nombreux souvenirs d'enfance. Assis sur un banc, il observe Ohara Tetsu, un employé qui vient d'être licencié sans oser l'avouer à sa femme. Tous les jours, il fait semblant d'aller au bureau et passe ses journées dans le parc. Chacun s'observe, s'apprivoise et finit par se dévoiler.
Le jeune homme comme l'homme mûr ont vécu des drames personnels. Ils se délivrent de leur douleur en en parlant à un quelqu'un qui est tout à fait à même de comprendre. Le style de l'auteur est très épuré, voire minimaliste à l'image de la littérature nippone. Elle aborde des thèmes difficiles tels que le suicide, la mort d'un enfant, le désintérêt pour la vie professionnelle avec délicatesse et en les restituant toujours par rapport au contexte de la société japonaise qui rejette la différence.
Connaissant quelque peu la société japonaise, je n'ai pas été particulièrement surprise par le déroulement de l'histoire qui est cependant fort bien menée et se termine par une lueur d'espoir. A ceux qui voudrait connaître davantage sur le Japon, ce court roman est vous éclairera très bien.
La cravate, Milena Michiko Flasar, Ed. de l'Olivier, 2013

mardi 10 septembre 2013

Red Hook

Un soir d'été, Val et June, deux adolescentes habitant le quartier de Red Hook, à Brooklyn, décident de se balader un canot pneumatique le long de l'East River, inconscientes du danger. Le lendemain matin, Val est retrouvée par Jonathan, professeur de musique du collège tandis que June reste introuvable. Les habitants du quartier s'intéressent peu à peu à ce fait divers...
Ivy Pochoda évoque l'atmosphère particulière de Red Hook où de nombreuses communautés se côtoient. Les zones résidentielles jouxtent des quartiers pauvres voire des friches industrielles. Cette évocation ne m'a pas touchée, à plus forte raison après l'excellent Triburbia sur le quartier de Tribeca. Quant au suspens que certains ont évoqué dans leur critique, je le cherche. L'histoire est particulièrement linéaire et simple. Une fois présenté tous les protagonistes, vous avez une idée assez claire de ce qui a pu se passer. Je n'ai lu que la moitié du roman, ma lecture était poussive et j'ai décidé de m'arrêter. J'ai regardé le dernier chapitre pour vérifier mon hypothèse de départ qui s'est avéré confirmée et a conforté ma première impression. Je n'ai pas été sensible à l'atmosphère de ce livre ni à ses personnages qui ne sont pas assez incarnés à mes yeux.
L'autre côté des docks, Ivy Pochoda, Liana Levi, 2013

 
Prix Page America 2013

mercredi 4 septembre 2013

Lolita, où es-tu ?

David Lamb rend visite à son père peu de temps avant de l'enterrer. Son mariage part à la dérive, la société qu'il a créée avec son associé ne l'intéresse plus ainsi que sa jeune maîtresse Linnie. Alors qu'il traîne son mal être sur un parking paumé, il croise Tommie, une gamine de 11 ans que ses copines poussent à aborder. La confiance de Tommie, ainsi que ses taches de rousseur, séduisent Lamb qui va l'entraîner dans un long voyage à travers les Etats-Unis, au fin fond des plaines du Middle West.
Présenté comme un nouveau Lolita par les éditeurs, je suis navrée de dire que ce n'est pas le cas. Lamb n'est pas Humbert Humbert et Tommie n'est certainement pas Lolita. Le personnage de Tommie n'a pas la même épaisseur ni la même profondeur que celui de Lolita. Les rapports de force et les enjeux de leur relation ne sont pas les mêmes. Lamb est un très habile manipulateur. Il persuade toujours Linnie et Tommie à faire ce qu'il veut ce qui le rend extrêmement dangereux. Tout au long du livre, la petite fille tente de rentrer chez elle mais elle est toujours retenue d'une manière ou d'une autre par Lamb. 
Plus on avance dans le roman plus il tente de choses. La scène du bain est significative de son pouvoir de persuasion et des doutes qui assaillent l'enfant sur les actes et les attouchements de cet adulte sur elle. Tommie est sauvée grâce à l'arrivée inopinée de Linnie dans la cabane où elle est seule avec Lamb. Ce dernier reporte ses pulsions sexuelles sur la jeune femme sauvant l'enfant d'un drame qui paraissait inéluctable.
Le pouvoir et la domination d'un adulte sur un enfant : c'est ainsi que l'on pourrait résumer ce livre malsain. Il montre les mécanismes psychologiques mis en place par le manipulateur pour obtenir ce qu'il veut. Pour le reste, vous pouvez passer votre chemin et lire le bien plus intéressant Lolita de Nabokov.
Lamb, Bonnie Nazdam, Fayard, 2013


Prix Page America 2013

jeudi 29 août 2013

Des destins chaotiques

Montréal 1996. Grace, psychologue, rencontre Tug dans des circonstances étranges. Alors qu'elle skie, elle tombe sur ce qu'elle pense être une branche et s'avère être Tug qui vient de tenter de se suicider. Attirée par ce bel homme brisé, elle ne tient pas compte de toutes les mises en garde qu'elle distille pourtant à ses patients.
New York 2002. Annie, une ancienne patiente de Grace, est comédienne. Très mal dans sa peau, elle se tailladait le ventre. Lorsque, adolescente, elle tombe enceinte et décide d'avorter, seule Grace est dans la confidence. Quelques années plus tard, elle se retrouve face à Hillary, une adolescente, fugueuse et enceinte.
Montréal 2006. Mitch, ex mari de Grace et lui-même psychologue, a refait sa vie avec Martine et son fils Mathieu, atteint du syndrome d'Asperger. Cette relation est dans l'impasse et il subit un grave échec professionnel avec le suicide de Reeves Thomasie, un jeune inuit qui a perdu sa mère et sa soeur. L'âme en morceaux, il découvre par hasard que Grace a eu un accident de voiture et qu'elle a une petite fille qui s'appelle Sarah.
Le lecteur suit ces trois histoires, à trois époques différentes, avec ces trois personnages qui sont unis par ce même mal être et cette incapacité à retrouver le désir de vivre. Patients ou psychologues, ils ne sont pas épargnés par la vie. Leurs choix, leurs échecs pèsent lourdement dans la balance. Ce roman est assez dur mais assez réussi. 
Inside, Alix Ohlin, Gallimard, 2013


Prix Page America 2013

vendredi 23 août 2013

Petit prince des banlieues

Momo vit avec sa famille à la cité des Bleuets. La directrice de l'école primaire passe voir ses parents pour leur dire qu'il est promis à un bel avenir s'il continue ainsi. Elle lui donne un liste de livres à lire avant d'entrer en 6e. Momo n'avait jamais mis les pieds à la bibliothèque. Peu à peu, il s'y habitue et devient ami avec Souad, la responsable du bibliobus. Sur le banc où il passe ses journées à lire, il rencontre M. Edouard, un vieil instituteur à la retraite. Une grande amitié naît entre eux mais M. Edouard est atteint de la maladie D'Alzheimer et il oublie quelque fois de retrouver le petit prince des Bleuets. Momo, pour la première fois, peut partager ses lectures et ses rêves avec celui qui est devenu son Chambellan. Le livre est construit autour du Petit prince de Saint-Exupéry et de la Vie devant soi de Romain Gary dont les histoires recoupent celle du petit garçon.
Le second tome est beaucoup plus orienté sur la vie de la cité et les conséquences de la mort du père de Momo. Sa mère et sa soeur aînée sont en butte avec Ahmed, qui veut devenir le chef de la famille sans en avoir l'étoffe. Violent, fainéant,  il s'enferre dans un islam radical sans pour autant pouvoir imposer sa loi. C'est en effet une nouvelle voie qui s'ouvre dans les cités après les trafics en tout genre comme le constate Mme Ginette, l'âme de la cité. Aux lendemains de la guerre, la crise des logements faisant rage, ces logements avec tout le confort moderne avaient semblé un Eldorado pour les parents mais la génération qui y est née et qui n'a pu en partir s'est retrouvée dans un gettho de pauvres dont elle ne peut sortir.
J'ai beaucoup aimé le premier tome qui est d'une grande poésie et d'une grande tendresse. Le personnage du petit Momo est très attachant et son attachement au vieux M. Edouard est indéfectible. Le second tome est davantage ancré dans le quotidien et les problèmes auxquels font face la petite communauté des Bleuets. Je trouve que l'on perd un peu de la magie des débuts mais il reste de bonne facture.
Momo, petit prince des Bleuets, Yaël Hassan, Syros, 2006
Momo des Coquelicots, Yaël Hassan, Syros, 2010

dimanche 18 août 2013

Les heures sombres de l'Apartheid

Sam Leroux revient en Afrique du Sud, son pays natal, pour faire l'autobiographie de Clare Wald, un écrivain célèbre, qui a su se faire publier et échapper à la censure tout en critiquant le régime de l'Apartheid. Pourtant Sam et Clare semblent se connaître et attendent des réponses l'un de l'autre. Un véritable bras-de-fer s'engage entre eux entre les faux semblants et les non-dits. Que savent-ils de ce passé qui pèse si lourdement sur leur pays ?
La construction de ce roman est assez déroutante de prime abord. Elle oblige le lecteur à démêler l'écheveau des aux travers des différents chapitres : ceux où Sam parle de lui ; ceux où Clare parle d'elle-même et reconstitue les derniers jours précédant la disparition de sa fille Laura ; ceux appelés Absolution, du nom du prochain roman très autobiographique de Clare ; enfin ceux qui ont des repères chronologiques et nous donnent des éléments factuels sur l'histoire de Sam.
Clare Wald est en quête d'absolution pour ce qu'elle a fait. Elle s'estime responsable de la mort de sa soeur Nora et de son mari, un membre important du parti soutenant l'Apartheid. Fut-elle à l'origine de leur assassinat ou celui-ci était-il déjà prémédité ? Elle ne le saura jamais. Laura, sa fille, est l'autre fantôme qui la hante puisqu'elle s'est engagée dans la lutte armée contre l'Apartheid et qu'elle n'en est jamais revenue. Clare s'en veut d'avoir été une mauvaise mère et surtout de ne pas savoir ce qu'il est advenu de sa fille.
Je n'effleure que certains aspects de cette histoire terrifiante qui connaît de nombreux rebondissements dont Sam détient les clefs. Patrick Flanery nous invite à plonger dans les heures sombres de l'Afrique du Sud. Entre la censure et la lutte armée, il dresse un panorama terrible du pays avant la démocratie mais aussi après. Sam et Clare vivent dans des getthos de riches blancs qui sont des cibles privilégiés  puisqu'ils détiennent encore la majeure partie des richesses. La population noire occupe encore des emplois subalternes et  même si une nouvelle classe moyenne émerge, beaucoup reste en marge, ce qui explique les nombreuses manifestations qui ont eu lieu ces dernières années et les flambées de violence.
J'ai trouvé ce livre intéressant avec cette construction qui multiplie les points de vue et interroge les questions de vérité, de censure et de fiction en littérature. Il y a cependant quelques longueurs et la seconde partie du roman est un peu plus faible compte tenu de l'ambition littéraire du projet. Ce livre ne prend toute sa dimension que si vous lui accorder du temps : le démarrage de l'intrigue est long et le système de chapitres assez déroutant. Sur cinq lectrices dans le cadre du prix Page America, je suis la seule à l'avoir terminé mais je ne l'ai pas regretté !
Absolution, Patrick Flanery, R. Laffont, 2013

 
Prix Page America 2013

mardi 6 août 2013

Un microcosme new yorkais

Tribeca, quartier de New York, avait attiré des artistes, des entrepreneurs cherchant des locaux à louer à bas prix. Ils ont chassé des gens qui travaillaient au noir et ont rénové des immeubles entiers. Ces bobos se sont faits une vie dans ce quartier et se trouvent à leur tour colonisés par la bourgeoisie branchée de la ville.
Presque tous les matins, des pères se retrouvent pour prendre leur petit-déjeuner après avoir déposé leurs enfants à l'école. Ils représentent tous une facette de cette tribu urbaine qui s'est installée dans le quartier. Loosers fantastiques, businessmen accomplis, ils dévoilent leurs aspirations et leurs faiblesses au cours des chapitres du roman. Chaque chapitre parle de l'un d'eux ou d'un membre de sa famille. Peu à peu se tissent des histoires et des liens entre chacun.
C'est une peinture satirique de cette communauté que nous présente l'auteur. Cette micro-société tente de se positionner face aux valeurs de la société américaine : il faut être impitoyable pour survivre et ce dès l'école. La ségrégation se fait par le physique et par l'argent. Les ascensions comme les chutes sont spectaculaires. Ces fortunes qui se sont créées autour de l'inflation immobilière s'écroulent après 2008 et le crack boursier. L'amitié entre ces pères se délitent bien vite lorsqu'ils quittent le quartier pour trouver un nouvel Eldorado. 
Critique fine de ce microcosme new yorkais et plus généralement de la société américaine, ce livre décrit un monde très hiérarchisé et étanche où l'ascenseur social est en panne. J'ai beaucoup aimé ce livre féroce qui nous montre les accros faits au rêve américain.
Triburbia, Karl Taro Greenfeld, Philippe Rey, 2013

 Prix Page America 2013

Le livre pour lequel j'ai voté !

jeudi 1 août 2013

Un prédateur tapi dans l'ombre



Un soir, Freddy frappe à la porte de Martha Rebernack. On vient de le libérer de prison et il n'a pas d'autre endroit où aller. Martha, sa cousine, refuse de l'accueillir chez elle. Elle le considère toujours comme un prédateur dangereux. N'a-t-il pas purgé 15 ans de prison pour le viol de la petite Sonia ? Martha craint pour sa fille Clémence et fait tout pour l'éloigner de lui sans y parvenir. Freddy, quant à lui, n'aspire qu'à une vie tranquille et se tient à carreau. 
L'angoisse de Martha nous étreint et ne cesse de monter peu à peu grâce au beau travail narratif de l'auteur. Martha, folle d'inquiétude, s'ouvre au notaire, Maître Montussaint, un ami de son mari, qui s'avère être également un habile menteur.
Ce roman, plutôt réussi du point de vue de l'écriture, s'effrite assez vite. Nous n'avons pas besoin du titre pour nous douter que le personnage du notaire est tout sauf clair. Même s'il n'apparaît que vers le milieu de l'histoire, l'effet d'attente ne rachète pas une intrigue somme toute assez convenue. Avec de telles qualités d'écriture, j'aurais aimé quelque chose de plus consistant.
Un notaire peu ordinaire, Yves Ravey, Ed. de Minuit, 2013

samedi 27 juillet 2013

Orphelins recherchent parents

Siméon, Morgane et Venise ont été abandonnés par leur père. Seuls avec leur mère, ils se retrouvent placés en foyer après son suicide. La fratrie Morlevent jure de tout faire pour ne pas être séparée. Georges Morlevent s'était déjà marié auparavant, il avait reconnu Josiane, la fille de sa première femme, et était parti avant la naissance de Barthélémy, son fils. Tous deux pourraient accueillir les enfants et devenir leur tuteur légal. Si Josiane semble être la candidate idéale, elle se présente pour de mauvaises raisons, tandis que Bart, si charmant soit-il, est complètement irresponsable.
Siméon, à 14 ans, est en terminale. Surdoué, il fait de son mieux pour protéger ses soeurs. Morgane est tout aussi brillante que lui. Tous deux ne sont pas très beaux comparés à Venise, une adorable petite fille de 5 ans, craquante et spontanée. C'est sur elle que Josiane, en mal d'enfant, jette son dévolue. Elle veut bien l'adopter mais que faire du reste de la fratrie ?
Bart, quant à lui, ne veut pas s'encombrer de problèmes. Il aime la vie, draguer les mecs et surtout en faire le minimum. Il n'est pas un bon candidat pour récupérer la tutelle mais sa bonne humeur, ses conneries le rendent charmant et désarmant. Les enfants l'adorent mais est-il capable de les prendre en charge ? Un drame va sceller ses liens avec eux.
Ce livre est vraiment formidable. Tous les personnages y sont bien campés. Marie-Aude Murail réussit le tour de force de traiter de nombreux thèmes de société en 200 pages. Un livre dense, profond et drôle. En témoigne ce fameux Oh, boy ! qui ponctue toutes les situations où Bart est confronté à un nouveau problème.
Oh, boy !, Marie-Aude Murail, Ecole des Loisirs, 2010

lundi 22 juillet 2013

C'est ma vie !


Louis Feyrières doit faire son stage de 3e et ne sait pas à quoi postuler. Sa grand-mère lui propose de dire un mot à Maïté, la patronne d'un salon de coiffure. Elle qui a été boulangère trouve normal que son petit-fils essaie  un métier manuel, ce qui n'est pas du tout du goût de son gendre, un chirurgien qui s'est fait à la force du poignet et qui ne voit dans ce type de métiers qu'une voie de garage pour analphabètes...
Louis n'aime pas l'école et ne souhaite pas suivre la voie royale tracée par son père. L'univers de la coiffure est un choc : il aime le travail et le contact avec la clientèle. Très vite, la coiffure devient une obsession au point qu'il sèche l'école et qu'il ment à ses parents. La réalité le rattrape assez vite. Le principal du collège lui propose un contrat moral : il s'engage à aller à l'école et Maïté accepte de le former les mercredis et samedis. Le seul à ne pas connaître cet arrangement secret, c'est son père. Confronté au conformisme bourgeois dans lequel son père veut l'enfermer, Louis sait ce qu'il veut et avance à sa façon en dehors des sentiers battus. Les études ne font pas tout. Pourquoi s'enferrer dans une voie alors même que l'on peut trouver bonheur et épanouissement ailleurs ? 
J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman pour sa justesse de ton et cette manière qu'à Marie-Aude Murail de démonter les clichés et les idées reçues avec humour.

mercredi 17 juillet 2013

Des bleus à l'âme

Anna, en disant adieu à Guillaume, évoque un annuaire des morts avec les coordonnées de ceux qui nous ont quittés. Cette référence fait resurgir des souvenirs. Guillaume se retrouve submergé par son ancienne histoire d'amour avec Sylvie, surnommée Bulle. Bulle, Guillaume l'a rencontrée à l'hôpital où il se fait soigner pour une fracture. Elle est atteinte de leucémie et se trouve enfermée dans une pièce aseptisée. Guillaume en tombe amoureux au premier regard. Il lui rend visite chaque jour et passe ses nuits au téléphone avec elle.
Ses parents s'en inquiètent, tentent de le raisonner car il se consume de l'intérieur. Il finit par leur céder  ainsi qu'à Bulle, qui un soir lui dit des mots très durs, comme si elle voulait précipiter leur rupture. Sylvie meurt sans que Guillaume soit à ses côtés et il ne se le pardonne pas. Ce très beau texte, à la fois histoire d'amour et de deuil, parle de la difficulté de vivre avec ses souvenirs et de ne pas se laisser emprisonner par eux. Il y a de belles envolées poétiques et certains passages m'ont beaucoup émue.
J'ai suivi la ligne bleue, Christine Féret-Fleury, Le Rouergue, 2005

jeudi 11 juillet 2013

Jeu de pistes


Ginny reçoit par la poste un colis de sa tante adorée Peg qui vient de décéder. Elle y trouve 13 lettres et des règles à respecter. Elle doit partir en voyage avec un sac à dos, rien de plus, ne doit pas emporter de guides, et surtout elle ne peut communiquer avec ses amis que par lettres. Sa tante l'envoie à Londres effectuer sa première tâche. Peg convie sa nièce à un formidable jeu de pistes sur ses traces.
Ginny traverse l'Europe en suivant les directives et les défis de sa tante. Elle fait de nombreuses rencontres en suivant le parcours chaotique de Peg, qui vient d'apprendre qu'elle a un cancer. Cette grande chasse au trésor est amusante même si elle n'échappe pas à bien des clichés sur les pays européens que traversent Ginny. Sans être le livre du siècle, c'est une bonne petite lecture de vacances.
Treize petites enveloppes bleues, Maureen Johnson, Gallimard jeunesse, 2007

vendredi 5 juillet 2013

Vengeance posthume


Hannah Baker s'est suicidée. Avant de se donner la mort, elle enregistre des cassettes sur lesquelles elle raconte son histoire. Sur chaque face, elle s'adresse à une personne en particulier qui lui a fait du mal et qui d'une certaine façon a contribué à sa décision de mourir. Une fois écoutées, la personne doit faire suivre la boîte à celui ou celle qui est mentionné après lui. C'est ainsi que nous rencontrons Clay Jensen au bureau de poste. Il de passer la pire nuit de sa vie et transmet à son tour cet étrange colis.
Hannah décrit les mesquineries, les vengeances entre les élèves du lycée dont elle va être victime. Peu à peu, elle se renferme sur elle-même et se pose de plus en plus de questions sur le suicide. Sa fragilité est telle qu'une soirée fera pencher la balance et la conduira à se donner la mort plutôt que de choisir la vie et l'amour de Clay, qui est le témoin impuissant de cette histoire. Le remord le ronge car il n'a pas sur voir les signes mais comment aurait-il pu la raisonner ? C'est une longue descente aux enfers que raconte Hannah. Toutes ces petites choses qui vous blessent au quotidien, ce sentiment de ne plus appartenir au groupe et de ne plus le souhaiter. Même lorsqu'elle tente d'appeler au secours, elle est confrontée à l'indifférence ou à l'incompréhension. Hannah choisit de tirer sa révérence et de dénoncer la violence qui s'exerce à l'école, comme dans n'importe quel microcosme social, et que certains ne supportent pas.
Treize raisons, Jay Asher, Albin Michel, 2011

dimanche 30 juin 2013

Il faut parfois savoir se révolter

Méto vit dans un lieu que l'on nomme la Maison. Sa vie, ainsi que celle des 63 garçons, est réglée par les leçons et les activités sportives. Il ne connaît rien du monde extérieur et doit obéir aux règles étranges qui régissent la Maison. On lui confie l'initiation du petit Crassus qui remplace un des grands qui a disparu. A leur arrivée, les enfants ne savent plus rien de leur passé ; leur départ est tout aussi étrange et vers quel destin ?
Méto est un garçon qui tient tête aux Césars détenteurs du pouvoir en ces lieux. Ils font pression sur le groupe et le manipule par la peur. Afin de réduire toute tentative de révolte, des mouchards sont choisis et trahissent leurs camarades. Peur et délation telles sont les mécanismes sur lesquels sont fondés cette communauté.
Méto avec l'aide d'autres élèves et d'anciens devenus des esclaves ou des soldats, va fomenter une révolte. Grâce à eux, il découvre que les enfants ont leur mémoire systématiquement effacées et que ceux qui sont devenus trop âgés deviennent des esclaves, des soldats que l'on modifie génétiquement ou des futurs dirigeants maîtres dans l'art de la manipulation.

Cette révolte menée avec détermination par les enfants les plus âgés ne conduit pas à la liberté mais à la reproduction du schéma qu'ils ont subi et qu'ils font subir du coup à leurs autres camarades. Les forces extérieures se rassemblent pour prendre d'assaut la Maison. Méto et ses amis sont blessés pour certains et capturés par les Oreilles coupées, dernier groupe de cette étrange hiérarchie.
La Maison se trouve sur une île appelée Hélios, qui se situe quelque part au sud de la France. Les Oreilles coupées sont des esclaves qui se sont enfuis et se sont regroupés dans les cavernes de l'île. Ils ont tranché le lobe de leur oreille portant l'anneau, symbole de leur condition. Ils pourraient être annihilés par les soldats mais on les laisse survivre pour les utiliser comme cible pour s'entraîner (et vice versa d'ailleurs).
Méto et ses amis sont très mal accueillis par cette communauté où la loi du plus fort prévaut. Là encore, le système de clans est basé sur la violence et la peur. Après de nombreuses découvertes et suite à des trahisons, Méto rejoint le groupe E qui est l'élite des enfants formés sur l'île. Son entraînement et son instruction nous révèle enfin les clefs de ce monde. Je ne vous en dirai pas plus pour vous laisser découvrir la suite...

Dans cette dystopie passionnante, à l'univers glauque et angoissant, la quête de la liberté et de la démocratie ne se fait pas sans heurts. Yves Grevet signe trois excellents livres qui donnent à réfléchir sur la notion de désobéissance civile et le refus de la dictature. Ses romans sont d'autant plus inquiétants qu'il montre avec beaucoup de finesse les ressorts psychologiques liés aux conditionnements. Changer l'ordre établi et proposer un mode de vie démocratique ne vont pas de soi pour ceux qui ne l'ont jamais connue. Très honnêtement, cette série est une des mes meilleures découvertes de cette année et dès que j'en aurais l'occasion, je l'irai les deux tomes de Nox du même auteur.
Méto, tomes 1 à 3, Yves Grevet, Syros, 2008-2010

mardi 18 juin 2013

Macaron citron


Colline, le jour de ses 16 ans, avoue par mail à son père qu'elle est amoureuse de Sara. Elle raconte sa rencontre avec elle et son coup de foudre. Ce qu'elle savait au plus profond d'elle-même se révèle au grand jour, elle aime les femmes. Sa mère, son frère et sa grand-mère l'accepte comme elle est mais c'est plus difficile pour son père. Elle est amoureuse, elle a grandi et lui reste un homme "pas cool" comme dit sa mère ; il lui faudra du temps pour l'accepter.
Au lycée, Ludo, son ami d'enfance et amoureux transi, ne supporte pas non plus ce qu'elle lui dit tandis qu'Elsa, rassurée de ne pas avoir été lâchée pour un autre amie, lui ouvre les bras et le coeur. Sara, quant à elle, reste discrète. Elle n'a pas un entourage aussi compréhensif et ne propose des rendez-vous que loin du lycée et de sa famille aussi.
L'entourage prend plus ou moins bien la révélation de l'homosexualité d'un proche. Pour Colline, somme toute, tout se passe bien me direz-vous. Tout n'est pas aussi rose dans la vie mais ce roman vaut aussi pour cette belle déclaration d'amour qui m'a rappelée la lecture de cette belle bande dessinée qu'est Le bleu est une couleur chaude.
Macaron citron, Claire Mazard, Syros, 2003

jeudi 13 juin 2013

Aimer manger, une malédiction ?


Susy Morgenstern s'est battue toute sa vie contre son poids et son irrépressible envie de manger. Elle passe en revue son enfance, son comportement alimentaire similaire à celui de ses soeurs qui organisaient des descentes dans le frigo ou les salons de thé. Elle évoque les multiples régimes auxquels elle s'est astreinte et cette honte qui l'assaille chaque fois qu'elle succombe. Elle ne connaît pas la faim mais elle est gourmande et a un appétit irrépressible pour la vie.                   Ce texte très touchant fait partie d'une collection où de grands auteurs jeunesse parlent de leurs problèmes à l'adolescence. Susy Morgenstern explique ses tiraillements intérieurs qui aujourd'hui encore ne sont pas résolus. Cette obsession du poids est également à l'origine de sa vocation d'écrivain puisque son premier texte s'appelle La grosse patate. Pas facile d'être gros dans un monde où la minceur est érigée en canon de beauté. On pense toujours que quelqu'un de gros n'a pas de volonté mais la nourriture est une addiction comme une autre et tout aussi dangereuse.Confession d'une grosse patate, Susy Morgenstern, La Martinière 2003



samedi 8 juin 2013

Cinq et non pas quatre


Les soeurs Verdelaine ne sont pas 4 mais bien 5. Enid, 9 ans, qui affectionne les animaux et possède un monde imaginaire à elle ; Hortense, 11 ans, qui a toujours un livre à la main ; Bettina, 14 ans, l'empêcheuse de tourner en rond, accro à la mode et aux garçons ; Geneviève, 16 ans, qui sous des dehors paisible s'adonne à la boxe thaïe. Tout ce petit monde a sa vie orchestrée par Charlie, 23 ans, contrainte d'abandonner ses études pour travailler et faire vivre sa fratrie. Les soeurs Verdelaine ont perdu leurs parents dans un accident de voiture et vivent seules dans la maison familiale, la Vill'Hervé, au bord de la falaise.L'humour, le plaisir des mots, les joutes verbales sont un bonheur constant. Chaque tome porte sur une des soeurs et reflète bien les préoccupation de son âge. De la quête aventureuse d'Enid qui découvre le secret de la vieille maison, en passant par l'amitié, les premières amours. Malgré leurs mésententes, les soeurs sont très soudées et la famille fait front devant l'adversité. Toutes voient et parlent aux fantômes de leurs parents défunts sans jamais se l'avouer. Ce n'est que lorsqu'elles sont prêtes à tourner une nouvelle page de leur vie que leurs parents prennent congé.
Ces romans ne sont pas sans me rappeler les Quatre filles du docteur March ou certains livres de la collection rose. Il y a un petit parfum rétro qui m'a beaucoup plu et m'a fait replonger dans mes souvenirs de lecture, enfant. Au final, un très bon moment de lecture avec des personnages haut en couleur et attachants.
Quatre soeurs, Malika Ferdjoukh, Ecole des Loisirs, 2010

vendredi 31 mai 2013

Paradis virtuels


Serge est sur la route des vacances avec son fils Goran lorsqu'il est appelé en urgence. En tant que membre du bureau des stupéfiants, il doit se rendre au domicile du gouverneur de la France dont la fille a fait une overdose et se trouve dans le coma. Goran en tombe amoureux aussitôt et n'a de cesse de se procurer cette drogue pour la rejoindre dans l'E-den. Malheureusement, il se trouve lui aussi piégé. Serge, prêt à tout pour sauver son fils, fait sortir de prison Sylvia, une dangereuse scientifique, qu'il avait arrêtée quelques années auparavant. 
Saura-t-elle déjouer les mécanismes de cette nouvelle drogue qui provoque le coma et conduit ceux qui la consomment à rester enfermés dans leur esprit sur un serveur appelé E-den ? Dans ce monde, tout est plus beau, plus fort, plus intense. Des nano-robots agissent sur les zones du cerveau des sensations, de la communication, du rêve et vous rendent accros dès la première prise. C'est la drogue parfaite !
Cet excellent livre autour de la drogue et des mondes virtuels fait froid dans le dos. Les nano-technologies ne sont pas un mythe et rendent cette histoire extrêmement crédible. Ce livre écrit à quatre mains est réussi.
E-den, Mikaël Ollivier et Raymond Clarinard, Thierry Magnier, 2004

mardi 28 mai 2013

Une avalanche de mensonges


Marie et sa famille déménagent à Chevreuse en région parisienne. Son père vient d'obtenir une belle promotion et un logement de fonction. En cette fin de mois d'août, leurs voisins rentrent de vacances. Par peur de passer pour une provinciale, Marie, alias Daphnée du Maurier, se lance dans des mensonges plus rocambolesques les uns que les autres. Son père, pour rencontrer ses futurs collègues et voisins, organise un barbecue. Marie risque vraiment gros...
Très drôle, les mensonges les plus ahurissants sont racontés et répandus entre les adultes. Enfants comme parents veulent donne une bonne image d'eux-mêmes et faire bonne impression. Du coup, Marie surprend son père à mentir à un voisin à propos de leur vieille voiture pour faire bonne figure et se dépêche de convaincre sa femme d'acheter le monospace que tout le monde possède dans la résidence.
Tout le roman tourne autour de la question des apparences et c'est très bien sur le plan des relations humaines. Je vous laisse découvrir de quelle façon Marie a bien pu s'en sortir... bonne lecture !
Tu sais quoi ?, Mikaël Ollivier, Thierry Magnier, 2002

dimanche 26 mai 2013

Le choc des cultures


Hugo suit ses parents à Mayotte. Ils y partent pour enseigner le français pour une période de deux ans qui en deviendront quatre, un peu par conviction au départ et surtout pour l'argent par la suite. Ils ne comprennent rien à cette île, ne s'intègrent pas et ne le veulent pas. Nouveaux colons, ils appartiennent au groupe de Blancs, qui même en territoire français, se considèrent plus ou moins consciemment comme supérieurs aux Mahorais, noirs, musulmans et polygames.
Hugo n'aime pas cette vie et va se faire piéger par les charmes de l'île. L'enfance est très courte à Mayotte, on devient adulte très vite et les filles à 15 ans sont des femmes. Il s'abandonne dans les bras de la belle Zaïnada. Lorsque celle-ci lui annonce qu'elle attend un enfant, Hugo va se retrancher dans sa position d'enfant privilégié. Après l'avoir avoué à ses parents, il est immédiatement expédié chez ses grands-parents en France.
Ce séjour dans une région pauvre aux moeurs différentes ne laisse pas indemne Hugo. Encore enfant là-bas, il est beaucoup plus mûr que ses camarades de collège. Il se met à rejeter violemment la société de consommation et cette vie étriquée. Hugo refuse le mode de vie de sa soeur et de ses parents pour militer pour une association anti-publicité. Très marqué par Albert Cossery, il se promet surtout de rester un homme libre et il sait que ce sera difficile.
J'ai eu un immense coup de coeur pour ce livre, qui aborde énormément de questions de société et d'éthique personnelle avec des mots simples mais qui portent. 
Tout doit disparaître, Mikaël Ollivier, Thierry Magnier, 2007

jeudi 23 mai 2013

Arrive-t-on jamais à connaître une personne ?

Amine est un chirurgien palestinien qui a fait ses études et exerce en Israël. Il a toujours fait en sorte de ne pas prendre parti dans le conflit israëlo-palestinien et s'efforce de s'intégrer au mieux. Pourtant certains de ses collègues continuent à le rejeter tandis que pour les Palestiniens, il n'est qu'un traître. C'est ce que va lui révéler l'attentat suicide commis par sa femme. Tout ce qui faisait sens pour lui disparaît ; ses quelques certitudes s'effondrent devant l'ampleur de cet acte.
Sihem, sa femme, ne supportait plus la vie qu'elle menait. Alimentant dans un premier temps de ses dons la cause, elle finit par décider d'y prendre une part active jusqu'à mourir pour elle. C'est en quête d'explications qu'Amine retourne à Gaza auprès de sa famille. Confronté à la mort, l'injustice, il défend envers et contre tout la vie, sa vocation de médecin.
Son parcours sur les traces de Sihen en quête de réponses, son retour à ses origines ne m'ont pas totalement convaincue. Le livre est davantage centré sur les états d'âme d'Amine, les rapports qu'il pensait entretenir avec sa femme ou son incapacité à concilier le fait d'être arabe et médecin israëlien, que sur le terrorisme et ses motivations. Ce qui me gêne le plus, c'est la fin qui me fait l'effet d'une pirouette.
L'attentat, Yasmina Khadra, Pocket, 2006

samedi 18 mai 2013

Les tueurs récréatifs


Quels liens existent entre une mère et ses filles sauvagement assassinées et dont les corps ont été placés et disposés en une représentation macabre ; Elmer, un jeune garçon, qui découvre avec son chien les ossements d'une petite fille enterrés dans un bowling désaffecté et des jeunes filles qui se font enlever, violer et tuer par des hommes conduisant un van ?
Sonatine s'est fait une spécialité de déterrer des romans américains au passé sulfureux. Les méthodes d'investigation de la police d'un rare réalisme avait valu à son auteur des ennuis judiciaires puisqu'il fut contraint par le FBI a dévoilé ses sources. Publié en 1992, il ne nous parvient qu'aujourd'hui ce qui lui fait perdre un peu de son intérêts pour ce qui est du versant policier. Par contre toutes les analyses faites sur la psychologie des serials killers m'a autant captivé que l'excellent Au-delà du mal de Shane Steevens, qui reste pour moi une référence incontournable.
L'intrigue est très dense et les histoires éparses qui ne semblent pas avoir de liens entre elles le sont de fort belle manière. L'analyse qui est faite des tueurs dits récréatifs est à la fois passionnante et glaçante. On est immergé par la violence et les motivations parfaitement tordues de ces meurtriers qui justifient leurs actes à l'aune de leurs propres règles. Sans verser dans l'hémoglobyne, l'auteur ne nous épargne pas. Malgré quelques petites longueurs, ce livre fait partie des bons romans du genre.
IL, Derek Van Arman, Sonatine, 2013

lundi 6 mai 2013

Amnésie vertigineuse


Christine a 47 ans et souffre depuis une vingtaine d'années d'une grave amnésie. Tous les matins, elle se réveille sans aucun souvenir de  sa vie et tous les jours, Ben, son mari, lui réexplique les événements essentiels de sa biographie qu'elle oubliera à nouveau durant la nuit. Alors que le même rituel quotidien s'effectue, elle reçoit l'appel d'un certain docteur Nash. Chaque jour, il lui dit où trouver son journal et lui demande de le poursuivre. Peu à peu, elle se rend compte qu'entre ce qu'elle relit et ce que son entourage lui rapporte des éléments ne se recoupent pas. Christine commence à douter et se raccroche désespérément aux quelques bribes de souvenirs qui lui reste pour faire la lumière sur son passé.
Cet excellent thriller se lit tambour battant. J'ai fini par deviner ce qui avait bien pu lui arriver avant le clap de fin. Le livre est plutôt bien fait mis à part quelques incohérences (une femme qui a tout oublié et qui sait se servir d'un ordinateur de façon innée...). Il n'en demeure pas moins un bon bouquin pour se changer les idées.
Avant d'aller dormir, S.J. Watson, Sonatine, 2012

mercredi 1 mai 2013

Un roman américain

Dwayne Koster est un professeur d'université en pleine crise existentielle. A cinquante ans, il se fait piquer sa femme et ses étudiants par un nouveau collègue beaucoup plus séduisant que lui : Alex Danny. De son côté, il a lui aussi une aventure avec une étudiante, Milly Hartway. Chassé de chez lui par sa femme, il sombre dans la dépression et s'enferre dans des histoires louches.
Tanguy Viel nous propose une dissection du roman moderne américain. Il nous présente des clichés, des ingrédients propres à cette littérature et qui en font le sel. Le parti pris qu'il adopte est original puisque le narrateur, qui est également l'auteur, analyse et explique pourquoi il a choisi cet élément narratif plutôt qu'un autre. Là où il est particulièrement habile, c'est que l'analyse très présente au début du livre laisse peu à peu place à la fiction et que le lecteur est véritablement confronté à un roman noir réussi.
Pour la petite histoire, Jim Sullivan est un chanteur américain qui a disparu sans laisser de traces dans le désert du Nouveau Mexique. C'est la fascination de Dwayne pour lui qui donne le titre au roman, mais pas seulement, et ça c'est à vous de le découvrir.
La disparition de Jim Sullivan, Tanguy Viel, Ed. de Minuit, 2013

mardi 30 avril 2013

Triangle amoureux


Madeleine se réveille après une soirée passablement arrosée et doit se rendre à la cérémonie de remise des diplômes qui clôt ses années d'études à l'université de Brown, marquées par son amour pour Léonard et sa découverte de Roland Barthes. Si Madeleine est amoureuse de Léonard, Mitchell, lui, est amoureux de cette dernière sans grand espoir de retour. Gentil garçon s'intéressant à la théologie, il ne fait guère le poids face au beau Léonard, si charismatique et si instable...
Madeleine se passionne pour la littérature du XIXe siècle et en particulier pour les romans qui traite du mariage. Les personnages de ces romans sont souvent pris en tenaille entre leurs histoires d'amour et les conventions sociales. Le mariage dans la littérature est la clef de voûte du roman d'Eugenides. Il le développe de manière savante en introduisant des références littéraires toujours bien amenées et qui comparées aux situations de ses propres personnages font sens. Que peut-il bien advenir de Madeleine qui s'éloigne de Mitchell, qui a tout du gendre idéal, et lui préfère Léonard, un jeune homme brillant et dépressif.
J'ai été séduite par le thème du livre mais j'ai été déçue par cette fin d'un classicisme désespérant. J'espérais que le triangle amoureux ne bouclerait pas sa boucle et que Madeleine ne se tournerait pas vers Mitchell, qui est un personnage qui symbolise pour moi les normes de la bonne société. Madeleine en est tout autant imprégnée. Lorsqu'elle apprend la grave dépression de Léonard ainsi que le diagnostique qui en découle, la magnaco-dépression, elle décide de l'épouser par amour et surtout par devoir. Ce n'est que la fuite de Léonard qui lui permet d'envisager de rentrer dans le rang. Evidemment, après avoir disserté pendant près de 500 pages sur le mariage dans la bonne société victorienne, elle pouvait difficilement ne pas tomber amoureuse de Mitchell.
Le roman du mariage, Jeffrey Eugenides, Editions de l'Olivier, 2013

samedi 20 avril 2013

Apaiser l'âme


Octave Lassale, ancien chirurgien de 90 ans, décide de choisir les personnes qui vont l'accompagner durant ses dernières années de vie. Tout au long de sa vie, des hommes et des femmes se sont abandonnés à ses mains expertes et c'est à son tour de se laisser aider par d'autres. Lassale n'a pourtant pas choisi au hasard ses futurs compagnons. Tous portent en eux une blessure, des drames passés. Ils vont se découvrir peu à peu, les uns les autres, tels qu'ils sont, des gens chaleureux prêts à donner.
Arrivé au terme de sa vie, Lassale porte toujours un chagrin immense, celui d'avoir perdu sa fille unique, Claire, des suites d'un accident de voiture. Lui, le grand professeur, s'est vu incapable de l'opérer et l'a confié à un de ses confrères. Son couple n'a pas survécu à ce deuil. C'est Hélène, la peintre, à qui il a commandé le portrait de Claire, qui fera la paix auprès de son ancienne épouse. Jeanne Benameur dresse des portraits d'hommes et de femmes bouleversants que je préfère vous laisser découvrir. Avec pudeur, douceur, ils mêlent leur douleur, la partage pour peu à peu la dépasser. Un livre magnifique qui est un des mes grands moments d'émotion de cette année.
Profanes, Jeanne Benameur, Actes Sud, 2013

lundi 15 avril 2013

Real humans ?

Paris 2060. Tycho Mercier, professeur à l'université et spécialiste de l'histoire du XXe siècle, rentre chez lui et se retrouve nez à nez avec le clone d'Adolphe Hitler ou plutôt AH6, le sixième clone d'Hitler. AH6, Dolfi pour les intimes, est le lot gagnant d'une tombola remportée par l'ex femme de Mercier, qui devient l'heureux propriétaire d'un clone désormais interdit à la fabrication.
Les clones ont fait leur apparition dans la vie quotidienne. Après avoir autorisé le clonage des personnes de leur vivant, la loi permet de cloner celles qui sont mortes depuis plus de 70 ans. Ainsi, Tycho Mercier ne peut s'empêcher d'envier son voisin, heureux propriétaire d'une sublime Marilyn Monroe, compagne et amante de ce dernier. 
Les clones sont des êtres à peine sortis de l'enfance à qui l'on inculque ce que l'on veut. La charmante Marylin a été éduquée pour devenir un objet sexuel tandis que Dolfi, ignorant tout du passé de celui avec qui il partage le même patrimoine génétique, est déconcertant par sa naïveté et son absence de caractère.
Quelle est la conscience d'un clone ? Que sait-il et que peut-il faire ? Ils sont comme des enfants sans conscience de leur vie antérieure. Mercier n'arrive pas à se débarrasser de Dolfi qui est un innocent qui n'a pas demandé à naître. Il le protège à plus forte raison qu'il connaît le sort des clones prohibés que l'on régule - terme officiel pour signifier qu'ils sont tués. Le clone d'Hitler se trouve ainsi dans la position du sous-homme, l'Untermensch, celui qui n'a pas de droits, ni d'éducation, ni la possibilité de procréer (normalement).
Après de nombreuses péripéties, Dolfi est pris en main par une organisation sous la houlette d'un milliardaire nazi, véritable survivant de la chirurgie moderne, qui souhaite voir revivre le Reich avec à sa tête une figure fédératrice et une marionnette entre les mains. Parviendra-t-il à ses fins ?
J'ai beaucoup aimé ce livre intelligent qui pose de nombreuses questions éthiques. Malgré quelques longueurs, je l'ai lu avec grand plaisir. La question des garde-fous revient sans cesse à une époque où nous ne cessons de réaliser des prouesses technologiques. Jusqu'où devons nous aller ? La question reste en suspend.
Dolfi et Marilyn, François Saintonge, Grasset, 2013

mardi 9 avril 2013

Kibboutz

Le kibboutz Yikhat est une petite communauté où tout se sait. Les couples se font et se défont malgré la morale et le qu'en dira-t-on. Certains membres ont plus de retenue et préfèrent taire leurs sentiments plutôt que de les exprimer car dans cette communauté régie par des idéaux marxistes,les tâches sont partagées et où les décisions sont prises ensemble, on est au final bien seul.
Ces petites histoires sont bien cruelles. Les aspirations des uns sont parfois en butte aux règles du kibboutz, les espoirs des autres bafoués par un proche ou leur propre femme. Rien n'est simple dans cette société conçue pour vivre en autarcie, le souhait d'un individu ne correspondant pas aux choix du groupe est systématiquement repoussé. Cette société qui veut s'ériger en modèle se heurte à ses propres idéaux. Ce n'est pas par hasard que la dernière nouvelle traite de l'espéranto. Ce rêve d'une langue unique, qui n'a pu rassembler les peuples comme au temps de Babel, marque symboliquement la crise des valeurs du kibboutz.
Amos Oz entremêle avec un art consommé les destinées de quelques personnages : les personnages principaux des nouvelles deviennent des personnages secondaires dans les autres et font le lien entre tous les textes. Avec une économie de moyens, il fait de très beaux portraits montrant la nature humaine dans ce qu'elle a de plus mesquin ou de plus émouvant. A l'aube de sa vie, son regard est sans concession. J'avais découvert Amos Oz, il y a quelques années, et je suis toujours admirative de son travail.
Entre amis, Amos Oz, Gallimard, 2013