mercredi 30 janvier 2013

Un fauve dans la ville

Viviane Elisabeth Fauville a 42 ans, un bébé et un mari parti, un poste de cadre qui aiguise les appétits. Elle dérive et perd la mémoire, vit dans une torpeur constante avec quelques brefs moments de lucidité. C'est au cours de l'un d'eux qu'elle se souvient avoir poignardé son psychanalyste. Ainsi commence ce roman aux allures de polar mais qui est avant tout une quête d'identité.
Nous ne savons que peu de choses sur VEF et quelques surprises distillées par l'auteur ne font que modifier sans cesse notre point de vue sur elle. Tout est flou et il est bien difficile de s'accrocher à quoi que ce soit. La narration elle-même ne cesse de varier passant du nous au vous à elle ; VEF se présentant aux personnages au gré des circonstances sous ses deux prénoms.
Julia Deck joue sur les codes du roman policier avec une enquête classique menée par la police, qui s'y perd dans les déclarations de VEF, et la propre enquête de VEF qui rencontre les patients, la femme ou la maîtresse de son psychanalyste. Tous sont aussi barrés qu'elle, ce n'est pas peu dire. Des fragments du passé de VEF ressurgissent peu à peu nous permettant de mieux comprendre la folie du personnage.
Alors, VEF l'a-t-elle tué ou pas son psychanalyste ? Je pense que c'est à chacun de se faire son opinion. Julia Deck, malgré une résolution qui pourrait être satisfaisante, laisse planer un doute. Elle, qui met son livre sous les auspices de Beckett, réalise un habile travail d'écriture et mène avec brio son lecteur dans des impasses. Je reste pour ma part quand même un peu sur ma faim par cette fin trop lisse et cousue de fil blanc. Ces quelques vingts dernières pages m'ont gâté mon plaisir et font que je ne donne pas à ce roman un coup de coeur. Je lirais néanmoins le prochain roman de cette jeune femme talentueuse.
Viviane Elisabeth Fauville, Julia Deck, Ed. de Minuit, 2012