mercredi 3 septembre 2014

Fractale ?

Une épouse maintes fois trompée décide de tuer son marie en l’empoisonnant avec son plat préféré : les raviolis. Son plan est mûrement réfléchi, il est infaillible… Et pourtant va-t-il pouvoir être mis à exécution ? 
C’est ce que vous saurez à la fin de ce roman dont les histoires gigognes s’emboîtent les unes dans les autres au point qu’on en oublierait nos raviolis. Oui, mais pas l’auteur ! Avec une imagination débordante non dépourvue d’humour (très noir parfois), il passe de personnages en personnages avec habileté et referme les unes après les autres ces histoires et les questions en suspens. Si une dernière : que veut dire le mot fractale ? Vous le saurez à la fin du livre…
La fractale des raviolis, Pierre Raufast, Alma éditeur, 2014

mardi 3 juin 2014

Célestin Louise, flic et soldat

Célestin Louis, flic à la Brigade criminelle de Paris, part pour le front et se trouve en première ligne avec les autres appelés de 1914. Avec ses camarades, il découvre l’horreur de la guerre dans les tranchées, l’ingéniosité de l’homme pour tuer, la couardise de certains officiers et l’impuissance des généraux qui se trouvent enfermés dans une guerre d’usure. Lors d’une attaque, le lieutenant de Mérange est tué par une balle dans le dos. L’instinct de flic de Célestin ressurgit, il ne laissera pas ce crime impuni. 
Très bien documenté, Bourcy évoque l’enfer des tranchées ainsi que la vie quotidienne de ceux qui sont restés à l'arrière, donnant ainsi un tableau intéressant de la France pendant cette période. Son personnage est dans la grande lignée des héros des romans populaires de l’époque et m’évoque les Rouletabille et autres Arsène Lupin.
D'un tome à l'autre les intrigues sont plus ou moins réussie, cependant c'est à partir du tome 3 Le château d'Amberville que Bourcy trouve son rythme de croisière et signe par la suite les deux meilleures intrigues de sa série Les traitres et Le gendarme scalpé. Il a trouvé des solutions astucieuses pour permettre à son flic de traverser les lignes de combat et d'enquêter, ce qui lui permet de montrer les villages pris au piège par les tranchées, la bataille de Verdun, les hôpitaux militaires, Paris et les gens restés à l'arrière. Les intrigues oscillent entre le policier et l'espionnage sans se répéter.
Cette série est vraiment une réussite car Bourcy montre l'évolution du conflit à travers le regard de Célestin qui change et s'assombrit. Ce dernier comprend très vite qu'il ne pourra jamais expliquer et faire comprendre à ses proches ce qu'il a vécu. 
Célestin Louise, flic et soldat dans la guerre de 14-18 T1 à T5, Thierry Bourcy, Gallimard, 2014

samedi 24 mai 2014

Revivre

Célia, à la mort de son mari, est devenu propriétaire d'un bel immeuble de Brooklyn qu'elle a rénové elle-même. Elle a choisi chacun de ses locataires avec soin car elle ne veut pas de vague. Elle aspire à sa tranquillité et au respect de son intimité et attend la même chose de leur part. Lorsque George lui propose Hope comme sous-locataire, le temps de son voyage en Europe, elle accepte, introduisant sans le savoir un élément perturbateur dans sa vie si bien orchestrée.
Célia s'est murée en elle-même depuis que son mari est mort d'un cancer. Elle s'est créée une sorte de prison intérieure dans laquelle elle ne fait plus entrer personne et se berce de ses souvenirs avec son mari, précieux trésors qu'elle entretient pour garder en elle une image vivante de ce dernier. Hope, quant à elle, vient de quitter l'homme avec lequel elle a construit sa vie. Blessée, elle entame une liaison destructrice avec un ami d'enfance. Son parcours a un écho intime avec celui de Célia qui baisse la garde et commence à s'intéresser à la vie de ses locataires.
Ayant maintenu si longtemps ses distances avec eux, Célia finit par pénétrer dans leur intimité, à visiter leurs appartements quand ils sortent, à connaître certains secrets. Elle reprend peu à peu goût à l'existence et redécouvre les petits bonheurs de la vie. Elle réalise qu'elle a besoin des autres dans son existence et revient au monde lentement sans pour autant renier ses amours anciennes.
Ce livre magnifique rend un hommage évident à Herman Melville et un autre plus discret à Virginia Woolf. Le cours des pensées de Célia au gré de la journée, de ses activités, des sensations n'est pas sans rappeler un certaine Mrs Dalloway. Amy Grace Lloyd aborde avec profondeur et sans tabou des thèmes comme le deuil, l'amour, le sexe. Elle analyse les sentiments avec finesse avec une écriture très poétique. Je me suis vraiment laissée porter par ce très beau premier roman que je conseille sans réserve.
Le bruit des autres, Amy Grace Loyd, Stock 2014


Un livre que j'ai reçu dans le cadre d'un partenariat entre les éditions Stock et Libfly. Merci beaucoup !

mardi 13 mai 2014

Half-blood blues

Paris 1940. Après un dernier enregistrement sauvé par la bassiste Sid, Hieronymus Falk est arrêté au petit matin dans un café. Cet enregistrement est entré dans la légende du jazz et a rendu Hiero et sa trompette célèbres.
Berlin, 1992. Sid et son ami, le batteur Chip, retournent en Allemagne, pays qu'ils avaient quitté clandestinement au début de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été invités à assister à la projection d'un documentaire dédié à Falk auquel ils ont participé. Les témoignages s'enchaînent, l'incroyable histoire du jazz des années 30 en Europe défile sous nos yeux jusqu'à ce que Chip dise clairement que Sid a trahi Hiero. Que s'est-il passé durant ces heures sombres ?
Le jazz est partout dans ce roman. Vous êtes pris à la gorge dans une atmosphère enfumée et sombre, comme dans un caveau, et les notes s'égrainent dans votre tête. Quelle réussite ! L'auteur vous convie a un voyage dans l'histoire du jazz, lorsque des jazzmen noir américains venaient jouer en Europe pour avoir un peu plus de reconnaissance, ce qui est le cas de Sid et Chid, originaires de Baltimore. Ils se lient avec Hiero, qui est un Mischling noir, né des amours entre une Allemande et un Sénégalais. Lorsque nous découvrons le groupe, les Hot Time Swingers, les Nazis ont fait interdire le jazz, une musique de dégénérés. Le groupe ne peut plus jouer et les musiciens se terrent sans trop d'espoir...
J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce roman qui raconte l'histoire d'un morceau et d'un artiste qui n'ont jamais existé. Pourtant, la puissance d'évocation de l'auteur est telle que l'on y croit complètement. L'analyse des sentiments et des comportements de chacun est fine. C'est un roman réussi mais il me manque ce petit quelque chose, cette étincelle pour que ce soit un coup de coeur.
3 minutes 33 secondes, Esi Edugyan, Liana Levi, 2103

mercredi 2 avril 2014

Sages comme des images ?

Léo vient de rompre avec Tim pour Aurélien. Ils font tous partis de l'élite puisqu'ils font leurs études au lycée Henri IV. Dans un avenir proche, ils seront ingénieur, médecin ou avocat. Sages comme des images ? Pas vraiment. Même s'ils sont soumis à une pression scolaire peu commune, ils ont aussi des problèmes d'adolescents. Alors, quand Tim, pour se venger, envoie une vidéo très intime de Léo à tout le monde, amis, profs, parents, lycéens, que peut-il se passer ?
Le livre aborde intelligemment la question des réseaux sociaux et ce que peut impliquer une vidéo compromettante. Au-delà de sa réputation, ce qui inquiète le plus Léo, c'est l'après, lorsqu'elle sera amenée à chercher du travail. Ces adolescents, issus de milieux très aisés, ne sont pas comme les autres. Les nouveaux venus ou ceux qui ont de meilleurs résultats sont de futurs concurrents pour l'avenir. 
Il est difficile de faire sa place dans ce monde étrange. La narratrice, qui vient d'un milieu modeste, s'est liée au collège avec Léo et sa soeur jumelle Iseult. Sa fascination pour Léo est telle qu'elle délaisse celle qui pourrait être une véritable amie, Iseult. Ce ne sont pas seulement les nouveaux médias qui sont en question dans ce roman mais bien la question de l'image et des apparences.
C'est à une longue descente aux enfers à laquelle on assiste aussi impuissant que  la narratrice au cours d'une journée, qui tient lieu d'unité de temps au sein d'un lycée qui devient le lieu de la tragédie. La narratrice se remémore des événements, des conversations marquantes. Peu à peu, les pièces du puzzle se mettent en place mais la prise de conscience est trop tardive.
Ce livre est vraiment percutant et juste. Dans notre monde contemporain où les images sont omniprésentes, nous choisissons de nous laisser bercer et aveugler par elles, de préférer les faux-semblants aux relations qui pourraient être fortes et avoir du sens.
Comme des images, Clémentine Beauvais, Sarbacane, 2014

mardi 4 mars 2014

Substituts

Dans un univers post-apocalyptique, les Substituts ont été réduits en esclavage par les Hauts. Contrôlés par des implants, leurs apprentissages, leurs connaissances et leur mémoire sont régulés voire effacés. Rien ne leur permet d'échapper à leur destin, pourtant Kia, à ses 14 ans, découvre le monde des Hauts ainsi que sa faculté à poser des questions et à apprendre. Qu'a-t-elle donc de si particulier ?
L'univers dans lequel évolue Kia se répartit entre les Hauts, les Subs et les habitants du quartier Noir qui sont affectés des suites du cataclysme qui s'est produit par le passé. Ils sont malades ou souffrent de mutations génétiques. Peu à peu, on découvre pourquoi les Subs ont subi ce sort et pourquoi ils sont réduits en esclavage, privés de savoir et de connaissance.
L'idée de départ est intéressante mais sa mise en place est laborieuse. J'ai trouvé que le livre mettait du temps à démarrer. Il répond aux conventions de la dystopie mais j'aurais aimé que cette société soit plus décrite et fouillée. C'est à mon sens le problème de beaucoup de romans du genre qui partent sur de bonnes idées qui ne sont pas creusées. Aimant beaucoup l'auteur, je prendrais le temps de lire la suite car je suis curieuse de savoir de quelle façon il fera évoluer son histoire.
Les substituts, Johan Heliot, Seuil 2014

jeudi 13 février 2014

Maggot moon

Standish vit seul avec son grand-père depuis que ses parents ont fui la répression de la Patrie. Isolés en Zone 7, celle des impurs, ils rencontrent Hector et sa famille exilés là pour de sombres raisons. Standish et Hector deviennent amis. Ils rêvent de sévader sur une planète inventée par Standish : Juniper. Standish a de l'imagination, beaucoup même, c'est ce qui le fait tenir dans cette société totalitaire. Inadapté, certes, mais pas stupide, Standish se rend compte de ce qui se passe. S'il rêve de s'envoler vers Juniper, la Patrie, elle, veut envoyer des cosmonautes sur la lune afin de manifester sa suprématie technique et d'écraser les autres nations. 
Le livre est construit autour de nombreux retours en arrière qui nous permettent de comprendre le monde dans lequel vit Standish. Les chapitres sont courts et évoque un événement ou une anecdote. Quelques inventions de langage sont les bienvenus dans la bouche de Standish, qui est profondément dyslexique. Elles apportent un peu de poésie dans cette univers oppressant. Dénonciation, délation, pureté de la race, police omniprésente, contrôle des médias, il n'y a plus aucun espace de liberté. 
La conquête de l'espace a été un des conflits à distance entre les blocs soviétiques et occidentaux durant la Guerre froide. Elle sert de toile de fond à l'intrigue, à n'en pas douter. Cependant, sachant que l'intrigue se situe dans une Grande-Bretagne alternative en 1956, je ne serais pas surprise qu'il y ait également une référence à l'univers de V pour Vendetta. En tout cas, ce livre est une dénonciation intelligente du totalitarisme et il est également un bel éloge de la différence.
Une planète dans la tête, Sally Gardner, Galllimard Jeunesse, 2013

jeudi 6 février 2014

Get out, you cunting, shitting, little fucking fucker !

Janie Ryan doit faire sa place dans une famille en perpétuelle galère : entre sa mère qui oscille entre l'alcool et des mecs improbables, sa grand-mère accro au bingo et s'occupant uniquement d'elle-même et son oncle toxico et à la ramasse. Elle a pourtant des atouts pour elle : son humour et sa force de caractère qui lui permettent d'affronter un quotidien difficile. Ballottée de centres d'accueil en HLM pourris et beds and breakfast douteux, Janie tente de faire son chemin avec une mère qui l'aime mais qui n'a pas toujours le jugement nécessaire pour se choisir ses compagnons.
Kerry Hudson nous montre, comme Ken Loach, ces gens qui vivent des aides qu'ils perçoivent chaque lundi (tout se paie à la semaine au Royaume-Uni) et dans des conditions terribles. Le plus dur étant de ne pas se laisser entraîner par cette spirale de drogue, d'alcool et de sexe sans lendemain.
Triste, parfois glauque, ce roman n'en est pas pour autant larmoyant et misérabiliste. Comme dans En finir avec Eddy Bellegueule, on suit une famille exclue du système, qui vit des allocations sans un quelconque espoir de s'en sortir. Là encore, une mécanique bien rodée faite de la répétition d'un même schéma est à l'oeuvre : tomber enceinte très jeune, ne pas avoir de qualification, ne pas avoir de relations qui vous permettent de remonter la pente. Dépression, alcool, violence, un cocktail explosif. Pourtant Janie veut en découdre et rompre ce cercle infernal. Dans une langue accrocheuse et imagée, alternant entre humour et rage, elle se débat dans ce chaos d'où sort une énergie et une lumière qui irradie le roman. Kerry Hudson signe un roman décapant, haut en couleurs, qui ne peut pas laisser son lecteur indifférent.
Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, Kerry Hudson, P. Rey, 2014

mercredi 29 janvier 2014

Sociologie de la misère

Eddy est trop féminin. Il se déhanche trop, ses manières et sa façon de parler ne sont pas assez masculins. Pire, il n'aime pas le football.Tout en lui n'est que ce que rejette en bloc sa famille, les gens du village, ses "copains" de l'école. Très tôt passé à tabac au collège, il provoque la honte de son père puisqu'il ne joue pas au foot comme tout le monde mais préfère le théâtre. Réprimé pendant son enfance, il s'insurge contre ses parents, la pauvreté, sa classe sociale, le racisme et la violence.
Avec un regard de sociologue, Edouard Louis montre les valeurs et les comportements de sa famille dans un petit village dans le Nord près d'Amiens. Il faut être un homme, un vrai ; parfois se battre, bien boire pour tromper l'ennui. Les femmes s'arrêtent de travailler si elles gagnent plus que leurs maris, et puis d'ailleurs elles doivent rester à la maison pour s'occuper des gosses. L'avenir paraît bien bouché pour eux : rester à l'école jusqu'à 16 ans (à quoi ça sert au fait ?) pour se faire embaucher après à l'usine. Avoir des enfants à 20 ans, les voir reproduire la violence de leurs parents, se faire jeter de l'usine une fois que celle-ci vous a brisé. La télévision trône au milieu de la pièce, seule ouverture sur le monde parce que personne n'envisage de voyager. Le père d'Eddy parti quelque mois dans le Sud, c'était exceptionnel.
Edouard Louis, qui a consacré un essai à Bourdieu, évoque par le biais de son histoire personnelle la reproduction sociale et la panne du système scolaire dans lequel on ne croit pas. Exception qui confirme la règle, il a refusé ce qui était véhiculé par ses parents et son entourage. Il fait un état des lieux terrifiants où la misère s'accompagne d'une pauvreté affective et intellectuelle, d'un manque de rapports civilisés qui ne peuvent s'exprimer que par la violence. Au fond, même si sa mère l'avait voulu, elle n' aurait pas pu être la dame dont elle rêvait. Une dure mécanique se déploie dont elle ne peut sortir n'y s'échapper. Edouard Louis ne juge pas, il ne fait que constater une situation qui semble inextricable. 
En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis, Seuil, 2014
 

lundi 20 janvier 2014

L'égérie de tout un peuple

Nadia Comaneci a eu un destin exceptionnel, elle qui, a quatorze ans, fascina le monde en pleine Guerre froide par ses records et sa grâce lors des Jeux Olympiques de Montréal en 1976. La narratrice du roman nous invite à découvrir point par point le parcours de la gymnaste, façonnée entre les mains de Belà Kàrolyi puis manipulée par un Etat voulant montrer la toute puissance du communisme tout en contestant la suprématie sportive à l'URSS.
Chaque épisode est contrebalancé par des conversations fictives entre la narratrice et la gymnaste. Les événements peuvent être interprétés différemment selon les gens et les points de vue que l'on adopte : de la réalité à la légende fabriquée par l'Etat, des aptitudes sportives réelles à la discipline de fer imposée par un entraîneur. Malgré son talent et sa rage de vaincre, Nadia Comaneci a été utilisée pour permettre à d'autres de parvenir à leurs fins. Elle s'y est d'ailleurs brûlée les ailes. Parfois manipulée, parfois refusant de noircir sa légende, elle a choisi de mentir par omission.
Ce livre, dont je n'attendais rien, s'est avéré une excellente surprise. Son analyse du sport de haut niveau, du communisme et du destin de Comaneci m'ont beaucoup intéressé.
La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon, Actes Sud, 2014

vendredi 10 janvier 2014

Multipliez-vous et prospérez

Hattie, ses soeurs et sa mère, ont fui la Géorgie après le meurtre de son père, le seul homme noir à posséder son affaire dans les environs. A Philadelphie, elle épouse August avec lequel elle aura onze enfants et une petite-fille. Douze enfants, douze destins qui s'égrainent au cours du XXe siècle et de l'histoire des Etats-Unis.
Cette famille se dévoile peu à peu au gré des chapitres. Chaque enfant révèle, grâce à un moment particulier de son histoire, ses liens avec sa mère et les autres membres de la famille. Il exprime ses rêves et ses espoirs dans cette Amérique qui peut être un enfer comme un paradis. Hattie n'a pas eu la vie qu'elle voulait ; elle s'est battue pour tenir sa maison et subvenir aux besoins de tous. Sa forte personnalité ne l'a jamais incité aux débordements d'affection, ce qui lui reproche ses enfants, mais elle les a toujours aimés sans jamais les abandonner. Elle fait tout pour ne pas les laisser partir à la dérive même si certains gâchent leur vie.
La religion, véritable ciment de la communauté, baigne le roman dont le titre évoque l'essor des tribus et des hommes : "Multipliez-vous et prospérez". L'un des fils d'Hattie devient un formidable prêcheur. La religion chrétienne n'est pas la seule évoquée, la vieille Willie incarne le vaudou et ses remèdes mystérieux. En filigrane aussi, la guerre du Vietnam ainsi que les combats pour les droits civiques et les écarts qui se creusent entre ceux qui ont réussi à devenir des notables et ceux qui demeurent dans la misère.
J'ai suivi avec beaucoup de bonheur ce portrait de femme luttant contre l'adversité, refusant l'amour pour continuer de s'occuper de ses enfants pour qui elle demeure présente jusqu'au bout. Chaque chapitre fonctionne comme une nouvelle autonome qui s'inscrit dans l'histoire familiale et l'éclaire. Par son évocation de la communauté noire, de ses combats, par la profondeur de ses personnages, je comprends tout à fait qu'on ait comparé Ayana Mathis à Toni Morrison.
Les 12 tribus d'Hattie, Ayana Mathis, Gallmeister, 2014

dimanche 5 janvier 2014

Amour, Bretagne et Rock'nRoll

Maryline, ancien mannequin et son mari William, ex rock star, ont quitté New York avec leur fille pour s'installer sur la côte bretonne dans la maison de famille de Maryline. William et elle se sont refaits une vie et louent des chambres de leur magnifique maison à des hôtes venus des quatre coins du monde. Leur vie s'écoule sans ombre jusqu'à la découverte du cadavre d'une jeune femme en contrebas de leur maison sur la plage. Simon, l'amour de jeunesse de Marilyne, refait surface : il est en charge de l'affaire.
Très bonne surprise que ce petit livre dont le ton enlevé et l'humour sont réjouissants. Les sentiments y sont analysés avec finesse de la crise d'adolescence de Georgia, la fille de Marilyne, aux transports amoureux de sa mère en passant par le détachement de William au désespoir de Herr et à la colère de Simon. Toute une palette de sentiments, d'attitudes y sont brossés. J'aime tout particulièrement le personnage de William, le dandy, aux chansons qui viennent toujours à propos et à l'élégance du coeur.
Mer agitée à très agitée, Sophie Bassignac, J-C Lattès, 2014