dimanche 4 septembre 2011

Un murmure au creux de l'oreille

1187, Esclarmonde brave son père et l'ordre établi en refusant d'épouser celui à qui elle a été promise, mais pour échapper à son destin, elle ne dispose que d'une arme : embrasser la religion. Elle ne le fait pas de n'importe quelle manière, puisque en ces temps religieux, elle décide de devenir une recluse. Son père, contraint de céder, lui fait édifier une chapelle dans laquelle elle se trouve emmurée vivante. Esclarmonde n'a plus qu'une étroite fenêtre avec des barreaux comme seule ouverture sur le monde. Pourtant c'est auprès d'elle que bientôt se pressent des pèlerins venant de tout le royaume afin qu'elle prie pour eux. 
Pour être libre, Esclarmonde choisit la réclusion, car pour décider de la conduite de sa vie, une femme ne peut être que religieuse, veuve ou sortant de l'ordinaire. Ces belles figures féminines qui imprègnent le récit ont pour contrepoint des hommes enclin à la violence que seul un nouvel idéal chevaleresque pourrait détourner de cette voie. Ainsi, le père d'Esclarmonde se fait croisé tandis que l'ancien promis de la jeune fille devient le chantre de l'amour courtois. Réalisme et merveilleux se conjuguent et se mêlent dans ce beau récit et nous valent quelques passages d'une grande poésie comme cette croisade qu'Esclarmonde voit en rêve. Le roman verse sans cesse de l'un à l'autre mais lorsque le rempart de la foi et des superstitions s'effrite, la cruauté du monde réel reprend le dessus.
Du domaine des murmures, Carole Martinez, Gallimard, 2011