lundi 30 mai 2011

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

Après de brillantes études en chimie, Fritz Haber aspire  aux honneurs et à une grande carrière universitaire. Cependant les embûches sont nombreuses et les déceptions cuisantes pour un juif allemand en cette fin du XIXe siècle. Haber est un être tourmenté par son ambition, son désir d'intégration dans la société allemande et sa judaité qu'il ne peut renier. Autant d'éléments qui éclaire cette biographie d'un prix Nobel de chimie, récompensé pour ses travaux sur les premiers engrais chimiques mais qui est également le père de la guerre chimique moderne. 
Le travail de Vandermeulen est impressionnant à plus d'un titre. Il nous montre un Fritz Haber, confronté aux paradoxes d'une époque, qui exhorte au sentiment national (puisque l'Allemagne s'est fédérée depuis peu) et qui voit le développement du mouvement sioniste ainsi que la montée de l'antisémitisme. L'auteur illustre son propos de nombreuses références littéraires, toujours très pertinentes et introduit au cours du récit comme un leitmotiv Siegfried le grand héros germanique du Ring de Wagner. La mise en page rappelle les films muets avec ces cartons de dialogue insérés dans les cases. Quant au rendu graphique, il est superbe. Vandermeulen maîtrise parfaitement le lavis en sépia auquel il ajoute de l'eau de Javel afin de donner à ses images très réalistes un aspect flou. L'entreprise est passionnante et j'ai hâte d'en lire la suite.
L'esprit du temps, Fritz Haber T.1, David Vandermeulen, Delcourt, 2011