mercredi 16 mai 2012

Moebius est mort, vive Moebius !


John Difool est un détective à la petite semaine qui claque son argent dans une bouteille de ouiski et quelques instants de délassement entre les bras d'une oméopute. Il récupère par hasard d'un Berg, une race extraterrestre quasi inconnue, une boîte étrange objet de nombreuses convoitises. Difool, l'anti-héros par excellence, se retrouve à devoir sauver rien moins que l'univers !
S'il faut s'accrocher au début pour intégrer les termes futuristes et s'adapter à la narration de l'histoire, on est vite captivé par cet enchaînement de rebondissements et de péripéties. Cette histoire incroyable et complètement barrée est servie par des dessins sublimes. On célèbre souvent et à juste titre la qualité architecturale des mondes de François Schuiten mais ceux de Moebius n'ont rien à leur envier.

Tant sur le plan politique que symbolique, l'Incal a une portée très large. Des groupes luttent pour la liberté et renversent le dictateur de la planète Difool, le Préz chef-dictateur. La puissance militaire et politique n'est pas la seule à être remise en cause. Jodorowsky pose la question de la foi dans le progrès et les dangers d'un pouvoir détenu par les scientifiques que sont la caste des technopères. Toute forme de pouvoir qu'il soit détenu par un groupe ou un individu peut nuire à la liberté de chacun.

Du point de vue symbolique, Jodorowsky imagine un univers gouverné par l'impéroratriz, chef androgyne de la galaxie, figurant l'équilibre entre l'homme et la femme, le ying et le yang. L'Incal, lui-même, est une entité propre à chaque civilisation et réapparaît lorsque le moment est venu. Il introduit l'idée d'un cycle d'évènements et de leur éternel retour...
L'Incal, c'est à la fois un space opéra burlesque combiné à une vision métaphysique et critique de l'homme et de la société moderne. Je suis resté scotchée par ce chef-d'oeuvre de la bande dessinée.
L'Incal, l'intégrale, Alexandro Jodorovsky & Moebius, Humanoïdes associés, 2009