jeudi 13 février 2014

Maggot moon

Standish vit seul avec son grand-père depuis que ses parents ont fui la répression de la Patrie. Isolés en Zone 7, celle des impurs, ils rencontrent Hector et sa famille exilés là pour de sombres raisons. Standish et Hector deviennent amis. Ils rêvent de sévader sur une planète inventée par Standish : Juniper. Standish a de l'imagination, beaucoup même, c'est ce qui le fait tenir dans cette société totalitaire. Inadapté, certes, mais pas stupide, Standish se rend compte de ce qui se passe. S'il rêve de s'envoler vers Juniper, la Patrie, elle, veut envoyer des cosmonautes sur la lune afin de manifester sa suprématie technique et d'écraser les autres nations. 
Le livre est construit autour de nombreux retours en arrière qui nous permettent de comprendre le monde dans lequel vit Standish. Les chapitres sont courts et évoque un événement ou une anecdote. Quelques inventions de langage sont les bienvenus dans la bouche de Standish, qui est profondément dyslexique. Elles apportent un peu de poésie dans cette univers oppressant. Dénonciation, délation, pureté de la race, police omniprésente, contrôle des médias, il n'y a plus aucun espace de liberté. 
La conquête de l'espace a été un des conflits à distance entre les blocs soviétiques et occidentaux durant la Guerre froide. Elle sert de toile de fond à l'intrigue, à n'en pas douter. Cependant, sachant que l'intrigue se situe dans une Grande-Bretagne alternative en 1956, je ne serais pas surprise qu'il y ait également une référence à l'univers de V pour Vendetta. En tout cas, ce livre est une dénonciation intelligente du totalitarisme et il est également un bel éloge de la différence.
Une planète dans la tête, Sally Gardner, Galllimard Jeunesse, 2013

jeudi 6 février 2014

Get out, you cunting, shitting, little fucking fucker !

Janie Ryan doit faire sa place dans une famille en perpétuelle galère : entre sa mère qui oscille entre l'alcool et des mecs improbables, sa grand-mère accro au bingo et s'occupant uniquement d'elle-même et son oncle toxico et à la ramasse. Elle a pourtant des atouts pour elle : son humour et sa force de caractère qui lui permettent d'affronter un quotidien difficile. Ballottée de centres d'accueil en HLM pourris et beds and breakfast douteux, Janie tente de faire son chemin avec une mère qui l'aime mais qui n'a pas toujours le jugement nécessaire pour se choisir ses compagnons.
Kerry Hudson nous montre, comme Ken Loach, ces gens qui vivent des aides qu'ils perçoivent chaque lundi (tout se paie à la semaine au Royaume-Uni) et dans des conditions terribles. Le plus dur étant de ne pas se laisser entraîner par cette spirale de drogue, d'alcool et de sexe sans lendemain.
Triste, parfois glauque, ce roman n'en est pas pour autant larmoyant et misérabiliste. Comme dans En finir avec Eddy Bellegueule, on suit une famille exclue du système, qui vit des allocations sans un quelconque espoir de s'en sortir. Là encore, une mécanique bien rodée faite de la répétition d'un même schéma est à l'oeuvre : tomber enceinte très jeune, ne pas avoir de qualification, ne pas avoir de relations qui vous permettent de remonter la pente. Dépression, alcool, violence, un cocktail explosif. Pourtant Janie veut en découdre et rompre ce cercle infernal. Dans une langue accrocheuse et imagée, alternant entre humour et rage, elle se débat dans ce chaos d'où sort une énergie et une lumière qui irradie le roman. Kerry Hudson signe un roman décapant, haut en couleurs, qui ne peut pas laisser son lecteur indifférent.
Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, Kerry Hudson, P. Rey, 2014