lundi 29 août 2011

Alons voir si la rose...

Le jour de son cinquante-sixième anniversaire, Eva reçoit de sa petite fille Anna-Clara un beau journal décoré de roses dans lequel elle va pour la première fois confier ce qu'elle n'a jamais dit à personne : "J'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept quand j'ai finalement mis mon projet à exécution." Ce sont ces deux phrases qui inaugurent ce journal dans lequel Eva va raconter ses relations avec une mère qui ne l'a jamais aimée et l'a maltraitée.
Le journal alterne les souvenirs et les évocations du présent. Eva raconte ces instants décisifs qui l'ont marqué enfant et l'ont blessé. Drôle et parfois très cruel, le portrait qu'elle dresse d'elle-même s'écarte beaucoup de l'image de femme mature, à la vie tranquille qu'elle véhicule autour d'elle. Maria Ernestam aborde la question des relations humaines sous différents angles. Qu'elles soient familiales, amicales ou amoureuses, toutes sont faites de choix, d'erreurs qui marquent profondément nos vies. Ce roman initiatique qui dévoile savamment ses secrets s'avère être une excellente surprise.
Les oreilles de Buster, Maria Ernestam, Gaïa, 2011

vendredi 19 août 2011

La nature au coeur de la ville

Edal, jeune agent fédéral, spécialiste des trafics d'animaux exotiques, parcoure à vélo les rues et parcs de Toronto afin d'oublier son travail, sa mère, ses soucis. Un jour, elle remarque Lily qui ramasse les oiseaux qui se sont tués ou assommés après s'être cognés contre les fenêtres des grands buildings de la ville. Intriguée, elle la suit jusqu'à une casse de voitures appartenant à Guy. Ce dernier accueille chez lui tous les êtres vivants blessés par la vie.
Ce livre développe de nombreux personnages que ce soient des humains ou des animaux et l'on passe des uns aux autres de manière un peu abrupte. Une fois admis ce mode de construction, on peut pleinement apprécier ce livre qui traite de la place qu'occupent les animaux dans nos villes. Coyotes, ratons laveurs, buses, tous développent des stratégies pour se nourrir, survivre et se dissimuler dans cette autre faune qu'est la ville et qui est un territoire éminemment dangereux pour eux. La nature et les animaux qui sont au coeur de ce roman ne doivent pas faire oublier des personnages attachants abîmés par la vie et dont le passé ressurgit peu à peu. Malgré ses qualités littéraires et sa finesse psychologique, je n'ai pas été touchée par Fauna, ce qui ne veut pas dire qu'il ne rencontrera pas son public.
Fauna, Alissa York, Ed. Joëlle Losfeld, 2011

mercredi 10 août 2011

Aller jusqu'au bout du chemin


Tim Farnworth a tout pour lui : une belle situation dans un grand cabinet d'avocat, une belle maison, une femme aimante. Seule ombre au tableau, ces crises étranges et incontrôlables qui le poussent à marcher jusqu'à l'épuisement. Incapable de canaliser ces accès, Tim met en danger son couple, son avenir professionnel ainsi que sa vie. 
Ce livre est une belle surprise alors même que l'entreprise pouvait être assez risquée. Nous suivons la lutte de Tim et de sa femme contre cette maladie inexplicable qui va les conduire au bord du gouffre. Joshua Ferris analyse de manière fine les incidences sociales et psychologiques que peut avoir une maladie invalidante. Toute la première partie de son livre est remarquable et très bien rythmée. La seconde partie est un peu moins bonne même s'il arrive à distiller quelques rebondissements qui maintiennent l'attention de son lecteur. J'ai été très émue par cette aventure humaine et ce livre est avant tout une très belle histoire d'amour.
Le pied mécanique, Joshua Ferris, J.-C. Lattès, 2011

mardi 2 août 2011

Accabadora

Un petit village sarde dans les années cinquante. Maria Listru est cédée par sa famille, trop pauvre pour l'élever, à Bonaria Urrai, une vieille femme qui n'a jamais eu d'enfant. Devenue la fill'e anima de Bonaria, elle habite désormais la maison de la couturière qui l'envoie à l'école et lui apprend un métier. Quelques fois la nuit, on vient chercher dans le plus grand secret Bonaria, elle est l'Accabadora, celle qui abrège les souffrances des mourants. Seule au village à ignorer le rôle de sa mère adoptive, Maria le découvre dans de sombres circonstances.
Ce beau livre, à la langue belle et limpide, évoque une pratique ancestrale qui n'est autre que celle de l'euthanasie. Celle-ci est admise par la communauté même si elle fait partie des non-dits. Cependant l'Accabadora n'intervient qu'à certaines conditions et ne doit pas laisser son jugement s'obscurcir. Tzia Bonaria vacille lorsqu'elle pense avoir transgressé les limites de ce qu'elle peut faire. Donner la mort, même s'il s'agit de délivrer un malade de ses souffrances, est un acte grave. Les  protagonistes offrent des points de vue différents sur le sujet et permettent de nourrir sa propre réflexion.
Accabadora, Michela Murgia, Le Seuil, 2011