samedi 24 mai 2014

Revivre

Célia, à la mort de son mari, est devenu propriétaire d'un bel immeuble de Brooklyn qu'elle a rénové elle-même. Elle a choisi chacun de ses locataires avec soin car elle ne veut pas de vague. Elle aspire à sa tranquillité et au respect de son intimité et attend la même chose de leur part. Lorsque George lui propose Hope comme sous-locataire, le temps de son voyage en Europe, elle accepte, introduisant sans le savoir un élément perturbateur dans sa vie si bien orchestrée.
Célia s'est murée en elle-même depuis que son mari est mort d'un cancer. Elle s'est créée une sorte de prison intérieure dans laquelle elle ne fait plus entrer personne et se berce de ses souvenirs avec son mari, précieux trésors qu'elle entretient pour garder en elle une image vivante de ce dernier. Hope, quant à elle, vient de quitter l'homme avec lequel elle a construit sa vie. Blessée, elle entame une liaison destructrice avec un ami d'enfance. Son parcours a un écho intime avec celui de Célia qui baisse la garde et commence à s'intéresser à la vie de ses locataires.
Ayant maintenu si longtemps ses distances avec eux, Célia finit par pénétrer dans leur intimité, à visiter leurs appartements quand ils sortent, à connaître certains secrets. Elle reprend peu à peu goût à l'existence et redécouvre les petits bonheurs de la vie. Elle réalise qu'elle a besoin des autres dans son existence et revient au monde lentement sans pour autant renier ses amours anciennes.
Ce livre magnifique rend un hommage évident à Herman Melville et un autre plus discret à Virginia Woolf. Le cours des pensées de Célia au gré de la journée, de ses activités, des sensations n'est pas sans rappeler un certaine Mrs Dalloway. Amy Grace Lloyd aborde avec profondeur et sans tabou des thèmes comme le deuil, l'amour, le sexe. Elle analyse les sentiments avec finesse avec une écriture très poétique. Je me suis vraiment laissée porter par ce très beau premier roman que je conseille sans réserve.
Le bruit des autres, Amy Grace Loyd, Stock 2014


Un livre que j'ai reçu dans le cadre d'un partenariat entre les éditions Stock et Libfly. Merci beaucoup !

mardi 13 mai 2014

Half-blood blues

Paris 1940. Après un dernier enregistrement sauvé par la bassiste Sid, Hieronymus Falk est arrêté au petit matin dans un café. Cet enregistrement est entré dans la légende du jazz et a rendu Hiero et sa trompette célèbres.
Berlin, 1992. Sid et son ami, le batteur Chip, retournent en Allemagne, pays qu'ils avaient quitté clandestinement au début de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été invités à assister à la projection d'un documentaire dédié à Falk auquel ils ont participé. Les témoignages s'enchaînent, l'incroyable histoire du jazz des années 30 en Europe défile sous nos yeux jusqu'à ce que Chip dise clairement que Sid a trahi Hiero. Que s'est-il passé durant ces heures sombres ?
Le jazz est partout dans ce roman. Vous êtes pris à la gorge dans une atmosphère enfumée et sombre, comme dans un caveau, et les notes s'égrainent dans votre tête. Quelle réussite ! L'auteur vous convie a un voyage dans l'histoire du jazz, lorsque des jazzmen noir américains venaient jouer en Europe pour avoir un peu plus de reconnaissance, ce qui est le cas de Sid et Chid, originaires de Baltimore. Ils se lient avec Hiero, qui est un Mischling noir, né des amours entre une Allemande et un Sénégalais. Lorsque nous découvrons le groupe, les Hot Time Swingers, les Nazis ont fait interdire le jazz, une musique de dégénérés. Le groupe ne peut plus jouer et les musiciens se terrent sans trop d'espoir...
J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce roman qui raconte l'histoire d'un morceau et d'un artiste qui n'ont jamais existé. Pourtant, la puissance d'évocation de l'auteur est telle que l'on y croit complètement. L'analyse des sentiments et des comportements de chacun est fine. C'est un roman réussi mais il me manque ce petit quelque chose, cette étincelle pour que ce soit un coup de coeur.
3 minutes 33 secondes, Esi Edugyan, Liana Levi, 2103