jeudi 28 mars 2013

Les derniers jours de la classe ouvrière

Benassa, leader syndical de l'usine de câbles Supercavi, est un dur à cuire. Il a été de tous les combats, n'a jamais abandonné la lutte mais l'Italie change et l'unité des syndicats ainsi que les idéaux révolutionnaires s'effritent peu à peu. Benassa est las, il se souvient des grands moments de l'histoire de l'usine. Lorsque le responsable des ressources humaines lui demande de passer le voir, il ne refuse pas. Ce dernier va alors lui faire une proposition surprenante.
Très largement autobiographique, ce livre brosse un portrait du mouvement ouvrier italien des années 60 aux années 90. Des victoires pour le respect de l'ouvrier et de ses conditions de travail, en passant par les salaires, la lutte prend un tournant dans les années 80 lorsque les ouvriers doivent avant tout sauver leur outil de travail.
Pennacchi rend hommage à ces hommes qu'il a connus, au travail qu'il a fait durant des années sur ces machines monstrueuses. On sent son émotion à la description de ce quotidien et de ces luttes. Pourtant son constat est sans appel : la classe ouvrière est en voie d'extinction (il la compare à un mammouth, une espèce qui a fini par disparaître) tant sur le plan numérique, politique que culturel. Il rappelle la place de l'homme et du travail dans cette économie folle où l'humain laisse de plus en plus la place aux machines. Les descriptions sont parfois un peu techniques mais il y a une vraie chaleur humaine dans ce récit ; c'est ce que j'en retiens.
Mammouth, Antonio Pennacchi, Liana Levi, 2013

samedi 23 mars 2013

Tsunami intérieur

Romane, en déplacement professionnel en Thaïlande, réchappe miraculeusement du tsunami de 2004. Elle découvre le corps d'une Belge qui lui ressemble beaucoup dans la forêt où les eaux l'ont emportée. Elle décide alors de prendre le passeport et l'identité de cette femme.
Le tsunami est le drame qui lui donne le choix et l'opportunité de tout recommencer. Romane avait privilégié jusque là sa carrière au détriment de sa famille. Ses liens avec sa fille et son mari s'étaient distendus. Entre sa fille qui la rejette et ce mari qu'elle trompe parce que l'amour n'est plus présent, Romane décide de réaliser son rêve : s'installer en Australie. C'est son voyage que nous suivons, des bars de prostitués de Bangkok au cargo traversant l'océan qui la mène jusqu'en Australie. 
Ce livre, bien rythmé, mêle aventure et quête personnelle pour notre plus grand plaisir. Seul bémol, la fin qui, aussi séduisante soit-elle, aurait mérité d'être plus développée car elle arrive un peu comme un cheveu sur la soupe...
Lame de fond, Cécilia Dutter, Albin Michel, 2012

mardi 19 mars 2013

La fin d'une époque

La fermeture de la presse-librairie familiale marque la fin d'une époque. La mère de l'auteur, commerçante émérite, avait rebondi suite à la fermeture d'une première boutique de prêt-à-porter. Elle avait mis toute son énergie et son savoir-faire pour propulser cette librairie au rang de commerce incontournable de sa petite ville. Les années passant, il devient de plus en plus difficile de la maintenir à flot et les difficultés de trésorerie s'accumulent. La lecture fait moins recette mais ce sont globalement les petits commerces des centres urbains qui peinent à survivre. La librairie ferme, c'est inéluctable, et entraîne la retraite de la mère.
Très bien écrit et très bel hommage de l'auteur à sa mère qui semble ne pouvoir communiquer qu'au travers de ce magasin qui était toute sa vie. Lui-même dit tout ce qu'il n'a pu lui dire, ce qui en fait de ce livre un récit très personnel. Je regrette le côté parfois froid et technocratique de Ludovic Zèkian qui analyse la disparition des petits commerces du haut de son piédestal à Bercy. Je m'attendais à une réflexion sur la librairie mais le livre porte davantage sur le commerce et la vente que sur le produit. Sympathique mais je n'en garderai pas un souvenir impérissable.
Rideau !, Ludovic Zèkian, Phébus, 2013

vendredi 15 mars 2013

Le destin des femmes de Carthage

Comme Didon, ancienne reine de Cartharge avec laquelle elle partage le même destin tragique, Elissa est trahie et abandonnée par l'homme qu'elle aime, Augustinus, plus connu sous le nom de saint Augustin. Elissa le revoit pourtant à Carthage lorsque, évêque d'Hippone, il vient faire des sermons qui rassemblent une foule toujours plus nombreuse. Grâce à son ami Servilius, un scribe, elle prend connaissance des textes que son ancien amant rédige et en particulier de ses ConfessionsAugustin a été sensible à la chair et au plaisir. Son amour pour Elissa fut dévorant mais sa quête perpétuelle de reconnaissance ainsi qu'un questionnement intérieur profond ont eu raison de leur histoire. 
Après avoir longtemps rejeté le christianisme, Augustin se convertit et en devient un ardent défenseur. L'époque est instable, Rome subit les assauts des Barbares et finit par être prise en 410. Dès avant la fin du IVe siècle, les païens voient leurs croyances interdites. La tolérance qui était au coeur de l'Empire disparaît peu à peu. Le christianisme balaie tout et son dogme se durcit. Augustin s'est battu contre les chrétiens, pénétrés encore des enseignements des philosophes, qui pensaient que l'homme pouvait beaucoup pour lui au cours de sa vie. Agir sur lui-même pour être meilleur. Augustin défendit la thèse de la grâce donnée par Dieu qui seule permet de s'engager dans la bonne voie ; celle-ci n'étant pas dispensée à tous.
J'ai été éblouie par la beauté de ce texte et par cette aptitude de Claude Pujade-Renaud d'aborder des thèmes difficiles et de nous les rendre accessibles. Le personnage d'Elissa, femme abandonnée, est magnifique. A l'annonce de la mort de l'homme de sa vie, elle décide de se jeter dans la mer, comme une autre femme célèbre avant elle.
Dans l'ombre de la lumière, Claude Pujade-Renaud, Actes Sud, 2013

jeudi 7 mars 2013

Harvard connection

Susan Lowell, universitaire et spécialiste de l'Afrique à Harvard, vient de recevoir le prix Pulitzer pour son livre sur un leader somalien charismatique Hatashil. A l'autre bout du monde, Michael Teak, un ancien étudiant d'Harvard recruté par la CIA, doit livrer de l'argent et un téléphone à ce même Hatashil. Le village où ils avaient rendez-vous est attaqué et Hatashil tenu pour responsable du massacre. Qui est vraiment cet homme et d'où vient-il ? Susan Lowell se serait-elle à ce point méprise sur son compte qu'on pourrait lui retirer son prix ?
Nick McDonnel concocte une intrique mêlant l'enfer de la guérilla en Afrique avec l'univers si codifié et singulier d'Harvard. De nombreux agents de renseignements ont été recrutés dans les grandes universités américaines. On suit l'un de ses recruteurs en action à l'université qui n'hésite pas à sacrifier son homme, Teak, quasiment un fils, sur l'autel de la Realpolitik lorsque des informations sensibles sont sur le point d'être dévoilées. Le dessous des cartes ne révèlent que mensonges et marchés de dupes.
Intéressant, avec un intrigue bien menée, ce livre pèche un peu à mon avis. McDonnel aborde certaines spécificités des universités américaines, en particulier Harvard, comme les clubs, les réseaux sociaux dans lesquels naviguent les élèves pour préparer leur futur carrière professionelle. Ces personnages ne sont que des types caricaturaux : la bourgeoise, l'étudiant boursier, les fêtards etc. De même, j'aurais aimé que l'intrigue politique soit plus touffue. Le livre aurait peut-être gagné à être plus dense et plus fouillé.
Le prix à payer, Nick McDonell, Flammarion, 2013

samedi 2 mars 2013

Quelques post-it pour tout se dire

Claire et sa mère ne se voient qu'en coup de vent. Elles ont pris l'habitude de s'écrire des mots sur des post-it qu'elles collent sur le réfrigérateur. De la liste de courses en passant par les encouragements pour un contrôle ou prévenir d'un rendez-vous. Un jour, la maman de Claire lui annonce qu'elle a un cancer. L'espoir demeure mais le temps presse, il faut profiter de chaque instant.
J'ai beaucoup aimé cette idée de construire un roman autour de post-it. Le format est contraignant puisque les textes sont courts et vont à l'essentiel. Il faut cependant lire entre les lignes pour reconstituer le fil de l'histoire. Les conflits entre la mère et la fille se règlent aussi sur ces petits bouts de papier. Elles se disent par écrit ce qu'elles ne sont pas toujours capables de se dire tout haut.
L'auteur aborde de nombreux thèmes comme l'adolescence, le divorce, la maladie, l'air de rien. J'ai suivi avec beaucoup d'émotions cette adolescente qui voit sa mère s'éteindre peu à peu. 
Ne t'inquiète pas pour moi, Alice Kuipers, Livre de poche, 2007