mardi 25 octobre 2011

Aux origines du noir

Le narrateur, détective privé anonyme travaillant pour la Continental Op, est envoyé dans la ville de Personville dans le Montana. Il n'a pas le temps de rencontrer David Wilson, l'homme qui l'a engagé car ce dernier est retrouvé abattu dans la rue. Le détective va voir le père de la victime, le vieil Elihu Wilson, le maître de la ville. Ce pouvoir lui est contesté par ceux qu'il avait employés pour réprimer les grève locales. Ces truands refusent de quitter la ville et ont commencé à développer leurs propres trafics. Le vieil homme charge le détective de faire place nette quelques soient les méthodes employées...
Cette nouvelle traduction rend justice au texte de Dashiell Hammett. Les phrases sont lapidaires, le texte sans fioritures inutiles, le vocabulaire comme les titres de chapitre toujours concis et précis pour décrire une situation ou un personnage. Cette neutralité de ton rend encore plus crue la violence de cet univers. Les habitants de la ville ne l'appellent pas Personville mais bien Poinsonville car elle est gangrenée par la corruption, les magouilles et les trafics en tout genre. Hammett nous donne à voir une Amérique profonde où le pouvoir et la pègre sont de mèche pour mettre en coupe réglée les petites villes et les organisations syndicales. Pour attaquer le mal à la racine, le détective ne s'encombre pas de principes moraux et entame sa sanglante moisson. Il se faut de peu que lui aussi ne sombre définitivement dans cet engrenage infernal. En tant que lectrice, j'ai été happée par cette mécanique infernale qui a donné ses lettres de noblesse au roman noir.
Moisson rouge, Dashiell Hammett, Gallimard, 2009

samedi 15 octobre 2011

Hanno tutti ragione !

Tony Pagoda est un crooner qui connaît un grand succès dans les années 50. Homme à femmes, macho, ne refusant jamais un rail de coke, il est tout sauf recommandable. Pourtant malgré ses mauvais côtés, c'est aussi un homme attachant qui a voué un amour exclusif à une femme, Béatrice, la seule qui lui ait causé une souffrance telle qu'il la pleure tous les soirs sur scène. Ses amitiés sont tout aussi surprenantes qu'improbables allant du mafieux à la femme au foyer en perdition. 
Tony raconte toute sa vie à sa façon, avec un art savoureux de la digression qui fait de chaque chapitre une histoire en soi. Sa faconde l'empêche de se taire et il donne son opinion sur tout avec un humour au vitriol. L'excès et le mauvais goût sont totalement assumés dans ce roman baroque et rocambolesque, foisonnant de personnages hauts en couleur et truculents, qui est aussi une satire féroce de l'Italie des années 50 à nos jours.
Ils ont tous raison, Paolo Sorrentino, Albin Michel 2011

vendredi 7 octobre 2011

UW1

2058. La découverte de l'antigravité a permis aux hommes de coloniser l'ensemble du système solaire. Un jour, une structure gigantesque et inexplicable fait son apparition à la périphérie du système que les militaires baptisent le Mur. L'escadrille Purgatory, composée d'officiers passés en cour martiale et à qui on a donné une dernière chance, reçoit la mission d'en percer le secret. Ainsi commence la Première Guerre universelle.
UW1 se divise en deux cycles de 3 tomes construits autour de deux thèmes centraux que sont les voyages temporels et la guerre civile. La première partie retrace les aventures de l'escadrille Purgatory qui va résoudre l'énigme du Mur et se termine par un climax (que je ne vous dévoile pas), puis vient une seconde partie qui relate la lutte de nos héros contre l'instauration d'une dictature militaire.
Barjam développe un argumentaire très intéressant sur les voyages dans le temps en traitant de problèmes d'astrophysique et de distorsions temporelles. En contrepoint de cette dimension scientifique, il aborde une dimension religieuse et mystique qui offre une autre lecture des actions des personnages. Chaque début de chapitre est précédé d'une phrase tirée d'un livre sacré appelé la bible de Canaan. Celle-ci illustre les événements qui vont suivre et donne un caractère messianique au récit. Tout est très bien pensé et l'explication que l'auteur fournit aux voyages temporels comme à l'existence de cette bible montrent la grande cohérence d'un scénario qui distille ses surprises jusqu'à la fin.
L'auteur nous entraîne dans une guerre civile à l'échelle du système solaire ente la Fédération des Terres unies (FTU) et les Compagnies industrielles de colonisation (CIC), qui gèrent les colonies humaines sur les planètes extérieures. La première est une entité supranationale issue de ce que fut l'ONU et détentrice du pouvoir politique et militaire. La seconde dispose du pouvoir économique et constitue un contre-pouvoir à la FTU. Les tensions grandissantes entre ces deux forces conduisent la CIC à mettre au point une arme terrifiante qui est à l'origine du Mur et de la guerre civile. Le pouvoir économique et l'ultralibéralisme finissent par prendre le pas sur le pouvoir politique pour instaurer une dictature militaire. Intéressant au regard du contexte actuel, non ?
A ce scénario parfaitement maîtrisé s'ajoute un traitement approfondi des personnages principaux. Ceux-ci bénéficient chacun d'une double page au début de chaque volume permettant de mieux comprendre leur passé et les choix qu'ils ont pu faire au cours de leur vie. La qualité de la mise en page et du graphisme n'est pas en reste. Certains cadrages sont spectaculaires et la palette jouant sur des couleurs froides contrastant avec des couleurs chaudes est très réussie.
La fin pourrait déplaire à certains, moi je la trouve excellente, car elle vous donne juste l'envie de tout relire pour essayer de traquer la moindre incohérence. C'est pas tous les jours que ça arrive !
Universal War One, l'intégrale des tomes 1 à 6, Denis Bajram, Soleil 2010