jeudi 11 octobre 2012

Le génie : un don ou une malédiction ?

Anna Roth, documentaliste, est chargée par l'université de Princeton de récupérer les archives de Kurt Gödel, un grand mathématicien du XXe siècle, auprès de sa veuve acariâtre Adèle. Profitant de la situation, Adèle oblige Anna venir la voir, et de fil en aiguille, des liens se tissent entre elles. Le récit alterne leurs rencontres et l'histoire d'Adèle et son mari. Nous remontons le temps, de la Vienne des années 30 à l'Anschluss, puis la fuite éperdue pour rallier les Etats-Unis et l'installation à Princeton. C'est là que les Gödel vont rencontrer et se lier aux grands scientifiques de l'époque : Einstein, Oppenheimer et Pauli.
Cet homme brillant, qui a vingt-cinq ans est l'auteur du Théorème d'incomplétude, est aussi paranoïaque et anorexique. Adèle choisit de devenir sa compagne, son infirmière et son soutien inébranlable dans les épreuves aux prix de nombreux sacrifices.
Un livre très intéressant qui retrace un destin personnel, celui de Kurt Gödel, mais qui évoque également la diaspora des intellectuels et des chercheurs fuyant l'Europe en guerre pour rejoindre  les Etats-Unis. Seul bémol, c'est que le livre s'enlise un peu sur la fin. Trop de discussions théoriques finissent par nuire au rythme de l'ensemble.
La Déesse des petites victoires, Y. Grannec, A. Carrière, 2012

vendredi 5 octobre 2012

Désenchantement

Joseph Kaplan, né à Prague en 1910, quitte son pays pour devenir médecin biologiste à l'Institut Pasteur. Son premier poste est à Alger où il échappe de peu aux premières rafles de juifs durant la Seconde Guerre Mondiale. Après la guerre, il rentre dans son pays, devient député communiste et soutient l'instauration du régime en Tchécoslovaquie. Il déchante vite et voit son meilleur ami accusé de trahison et son pays se fermer. Comme il est le seul spécialiste des maladies infectieuses africaines, le gouvernement lui demande de prendre en charge un patient peu ordinaire : Ernesto Guevara. Ce dernier revient de son périple africain amoindri et rongé par le paludisme.
Jean-Michel Guenassia est un grand conteur qui nous livre une très belle fresque historique. De Paris à Alger, en passant par Prague, il sait vous réserver des surprises jusqu'à la fin de votre lecture. Le titre, un peu trompeur, ne se justifie que vers le dernier tiers du roman. Il ne prend sa signification, que si l'on considère que le Che demeure pour ses admirateurs la figure d'un communisme non dévoyé, ce qui est bien éloigné du quotidien de Jospeh et de sa famille. Ce dernier voit s'effondrer le Mur sans regret et ne peut que constater que cet idéal, qu'il avait lui aussi défendu, n'a fait qu'engendrer la pire des dictatures
A ceux qui avaient aimé Le Club des Incorrigibles optimistes, vous apprécierez le clin d'oeil de l'écrivain qui nous permet de renouer avec des personnages et de créer des passerelles entre les deux romans.
La vie rêvée d'Ernesto G., J.-M. Guenassia, Albin Michel, 2012