mercredi 16 novembre 2011

Une ballade irlandaise

Antoine, luthier parisien, prend un jour le train pour le Nord de Belfast et se retrouve au beau milieu des ghettos irlandais en 1974. Perdu, il est accueilli par Jim O'Leary et sa femme avec qui il se lie d'amitié. Lors d'un nouveau séjour, il fait la connaissance de Tyrone Meehan, une des grandes figures de l'IRA, qui devient pour lui, un ami, un père mais aussi, ce qu'il apprendra bien plus tard, un traître. Antoine s'éprend de ce pays et des gens qui l'habitent. Son amour est sans condition au point que très vite il veut participer à la lutte pour l'indépendance.


Après la mort de son père, un partisan républicain, Tyrone Meehan quitte Killybegs avec sa mère et sa fratrie pour s'installer à Belfast. Là-bas, deux communautés s'affrontent et campent sur leurs positions sur ce petit territoire. Tyrone, qui est aussi catholique, prend position et s'engage très jeune dans les jeunesses de l'IRA avant d'en devenir un membre important. Héros pour sa communauté, Meehan finit par la trahir pris au piège par les Anglais. 


Le conflit nord-irlandais débute dans les années 60 avec le mouvement des droits civiques qui lutte contre les discriminations dont font l'objet les catholiques. A ceci se greffent également des questions politiques puisque les Républicains (pour la plupart catholiques) réclament l'indépendance face aux Unionistes (pour la plupart protestants) qui souhaitent le maintien des liens avec le Royaume-Uni. Sorj Chalandon, qui a couvert en tant que journaliste ce conflit, explique clairement les enjeux de ce conflit ainsi que sa complexité et ses paroxysmes. La grève de la faim de 1981 en est un puisqu'elle s'est soldée par la mort de dix hommes dont Bobby Sands, député de la chambre des Communes sans que Margaret Thatcher ne cède.
Il est clair que Sorj Chalandon a pris fait et cause pour les Républicains et qu'Antoine est son double de papier. Il a su trouver pour décrire son engouement pour ce pays, cette culture et ces hommes des images et des associations de mots d'une belle inventivité. Mon traître est l'expression de sa douleur personnelle et d'une amitié trahie car si un homme trahit ses propres valeurs alors le doute est sans limite quant à ce qui a pu compter pour lui.  Retour à Killybegs est plus posé et de ce fait d'une facture beaucoup plus classique. Dans ce livre, Chalandon propose une explication plausible de la trahison de son ami Tyrone Meehan de son vrai nom Denis Donaldson assassiné en 2006 après avoir été donné par le gouvernement britannique suite aux accords sur le désarmement de l’IRA.
J'ai adoré Mon traître parce que j'étais là parmi eux dans le pub à boire une guiness. J'ai été touchée par cette déclaration d'amour à l'Irlande et à cet ami disparu. Retour à Killybegs m'a moins émue mais m'a beaucoup intéressée car il pose la question du choix et de ses conséquences. Qu'est-ce qui conduit un gamin de Belfast à entrer dans les rangs de l'IRA ? Qu'est-ce qui l'amène à trahir tout ce en quoi il a toujours cru ? Comment a-t-il pu porter ce fardeau au su et vu de tous ?
Mon traître, Sorj Chalandon, LGF, 2010 / Retour à Killybegs, Sorj Chalandon, Grasset, 2011

vendredi 4 novembre 2011

Stoner

William Stoner naît dans une petite ferme du Missouri en 1891. Ces parents décident de l'envoyer étudier l'agronomie à l'université mais c'est la littérature qu'il va lui être révélée lors d'un cours d'introduction à celle-ci. Interpellé par le professeur qui lui demande de commenter le Sonnet 73 de Shakespeare, Stoner découvre la littérature. Sa vie suivra à bien des égards les grands thèmes de ce poème, l'amour et la passion qui consume ainsi que la perte et le temps qui s'enfuit inéluctablement.
Cependant cette passion pour la littérature bien peu de gens la connaîtront. Trop pudique, trop humble, Stoner ne la laissera s'exprimer qu'auprès de ses étudiants. Stoïque, il accepte résigné les revers de la vie : un mariage malheureux, les vexations du responsable du département de littérature, la perte de son unique amour. Le destin de William Stoner semble d'ailleurs scellé dès le début de ce roman d'apprentissage d'une grande sobriété. Il meurt ignoré de tous, ne laissant qu'une infime trace de son passage. Sa vie ne marqua pas les mémoires mais il l'a vécue en restant fidèle à lui-même tel un Don Quichotte du Middle West. Sombre me direz-vous mais quel livre magnifique !
Stoner, John Williams, Le Dilettante, 2011

mardi 25 octobre 2011

Aux origines du noir

Le narrateur, détective privé anonyme travaillant pour la Continental Op, est envoyé dans la ville de Personville dans le Montana. Il n'a pas le temps de rencontrer David Wilson, l'homme qui l'a engagé car ce dernier est retrouvé abattu dans la rue. Le détective va voir le père de la victime, le vieil Elihu Wilson, le maître de la ville. Ce pouvoir lui est contesté par ceux qu'il avait employés pour réprimer les grève locales. Ces truands refusent de quitter la ville et ont commencé à développer leurs propres trafics. Le vieil homme charge le détective de faire place nette quelques soient les méthodes employées...
Cette nouvelle traduction rend justice au texte de Dashiell Hammett. Les phrases sont lapidaires, le texte sans fioritures inutiles, le vocabulaire comme les titres de chapitre toujours concis et précis pour décrire une situation ou un personnage. Cette neutralité de ton rend encore plus crue la violence de cet univers. Les habitants de la ville ne l'appellent pas Personville mais bien Poinsonville car elle est gangrenée par la corruption, les magouilles et les trafics en tout genre. Hammett nous donne à voir une Amérique profonde où le pouvoir et la pègre sont de mèche pour mettre en coupe réglée les petites villes et les organisations syndicales. Pour attaquer le mal à la racine, le détective ne s'encombre pas de principes moraux et entame sa sanglante moisson. Il se faut de peu que lui aussi ne sombre définitivement dans cet engrenage infernal. En tant que lectrice, j'ai été happée par cette mécanique infernale qui a donné ses lettres de noblesse au roman noir.
Moisson rouge, Dashiell Hammett, Gallimard, 2009

samedi 15 octobre 2011

Hanno tutti ragione !

Tony Pagoda est un crooner qui connaît un grand succès dans les années 50. Homme à femmes, macho, ne refusant jamais un rail de coke, il est tout sauf recommandable. Pourtant malgré ses mauvais côtés, c'est aussi un homme attachant qui a voué un amour exclusif à une femme, Béatrice, la seule qui lui ait causé une souffrance telle qu'il la pleure tous les soirs sur scène. Ses amitiés sont tout aussi surprenantes qu'improbables allant du mafieux à la femme au foyer en perdition. 
Tony raconte toute sa vie à sa façon, avec un art savoureux de la digression qui fait de chaque chapitre une histoire en soi. Sa faconde l'empêche de se taire et il donne son opinion sur tout avec un humour au vitriol. L'excès et le mauvais goût sont totalement assumés dans ce roman baroque et rocambolesque, foisonnant de personnages hauts en couleur et truculents, qui est aussi une satire féroce de l'Italie des années 50 à nos jours.
Ils ont tous raison, Paolo Sorrentino, Albin Michel 2011

vendredi 7 octobre 2011

UW1

2058. La découverte de l'antigravité a permis aux hommes de coloniser l'ensemble du système solaire. Un jour, une structure gigantesque et inexplicable fait son apparition à la périphérie du système que les militaires baptisent le Mur. L'escadrille Purgatory, composée d'officiers passés en cour martiale et à qui on a donné une dernière chance, reçoit la mission d'en percer le secret. Ainsi commence la Première Guerre universelle.
UW1 se divise en deux cycles de 3 tomes construits autour de deux thèmes centraux que sont les voyages temporels et la guerre civile. La première partie retrace les aventures de l'escadrille Purgatory qui va résoudre l'énigme du Mur et se termine par un climax (que je ne vous dévoile pas), puis vient une seconde partie qui relate la lutte de nos héros contre l'instauration d'une dictature militaire.
Barjam développe un argumentaire très intéressant sur les voyages dans le temps en traitant de problèmes d'astrophysique et de distorsions temporelles. En contrepoint de cette dimension scientifique, il aborde une dimension religieuse et mystique qui offre une autre lecture des actions des personnages. Chaque début de chapitre est précédé d'une phrase tirée d'un livre sacré appelé la bible de Canaan. Celle-ci illustre les événements qui vont suivre et donne un caractère messianique au récit. Tout est très bien pensé et l'explication que l'auteur fournit aux voyages temporels comme à l'existence de cette bible montrent la grande cohérence d'un scénario qui distille ses surprises jusqu'à la fin.
L'auteur nous entraîne dans une guerre civile à l'échelle du système solaire ente la Fédération des Terres unies (FTU) et les Compagnies industrielles de colonisation (CIC), qui gèrent les colonies humaines sur les planètes extérieures. La première est une entité supranationale issue de ce que fut l'ONU et détentrice du pouvoir politique et militaire. La seconde dispose du pouvoir économique et constitue un contre-pouvoir à la FTU. Les tensions grandissantes entre ces deux forces conduisent la CIC à mettre au point une arme terrifiante qui est à l'origine du Mur et de la guerre civile. Le pouvoir économique et l'ultralibéralisme finissent par prendre le pas sur le pouvoir politique pour instaurer une dictature militaire. Intéressant au regard du contexte actuel, non ?
A ce scénario parfaitement maîtrisé s'ajoute un traitement approfondi des personnages principaux. Ceux-ci bénéficient chacun d'une double page au début de chaque volume permettant de mieux comprendre leur passé et les choix qu'ils ont pu faire au cours de leur vie. La qualité de la mise en page et du graphisme n'est pas en reste. Certains cadrages sont spectaculaires et la palette jouant sur des couleurs froides contrastant avec des couleurs chaudes est très réussie.
La fin pourrait déplaire à certains, moi je la trouve excellente, car elle vous donne juste l'envie de tout relire pour essayer de traquer la moindre incohérence. C'est pas tous les jours que ça arrive !
Universal War One, l'intégrale des tomes 1 à 6, Denis Bajram, Soleil 2010

vendredi 30 septembre 2011

Famille, je vous aime

Anna la matriarche de la famille Neshov est mourante. Tor, qui la vénère, est resté à la ferme tandis que ses deux autres frères sont partis. Margido dirige une entreprise de pompes funèbres tandis qu'Erlend s'est exilé au Danemark où il est décorateur de vitrines. Devant l'urgence de la situation, Tor décide d'appeler également Torunn, sa fille naturelle, afin qu'elle rencontre au moins une fois sa grand-mère. De ces retrouvailles forcées vont ressurgir de sombres histoires passées.


L'excellent Terre des mensonges a été à juste titre primé en Norvège. Très bien construit, il alterne la vie des trois frères et donne à voir le point de vue de chacun sur leur famille et leurs réticences vis à vis d'elle. Le tout est habilement mené jusqu'à la révélation finale. En ce qui concerne les deux autres tomes, je suis plus réservée. J'ai retrouvé avec plaisir tous les personnages que j'avais trouvé bien campés, chacun dans son genre mais tant du point de vue narratif que de l'intrigue, c'est nettement moins bon voire même décevant pour le dernier tome.

Je n'ai rien contre le réalisme des situations ni une certaine noirceur, mais je trouve la fin excessive et glaçante. La mort, la douleur sont omniprésents dans cette trilogie et les quelques moments de bonheur sont de bien maigres contrepoints. J'ai refermé le dernier volume avec un sentiment de malaise qui a balayé tout ce qui m'avait plu dans cette saga familiale.
La terre des mensonges ; La ferme des Neshov ; L'héritage impossible, Anne B. Ragde, Baland 2009-2010

jeudi 22 septembre 2011

Quand l'artifice se conjugue au superficiel

Lorsque son grand-père décède, le narrateur regrette de ne pas avoir partagé plus de moments avec lui. Il découvre avec horreur la réalité des maisons de retraite puisque son père et ses oncles placent sa grand-mère, faute de pouvoir mieux s'en occuper. Il décide alors de passer du temps avec elle et de lui changer les idées mais lorsque cette dernière apprend que ses fils ont vendu son appartement, elle organise sa disparition.
Il paraît que David Foenkinos est drôle et sait être touchant. Son charme ne doit pas opérer sur moi. A chaque fois qu'une situation ou un élément pouvait être source d'émotion, tout retombait assez rapidement à plat. Dans ce livre, il a d'ailleurs voulu aborder beaucoup trop de thèmes sans jamais vraiment bien les traiter : la vieillesse, les souvenirs et la mémoire, le couple, la naissance de la vocation d'un écrivain. Ses réflexions sont parfois intéressantes mais il ne prend jamais la peine de les creuser et reste à la surface de son sujet. Quant à la construction du livre, elle est totalement artificielle puisqu'il fait alterner le corps central de son histoire avec des souvenirs (souvent inventés) de personnages célèbres ou d'illustres inconnus sans que cela apporte à son récit. J'ai souvent eu le sentiment qu'ils arrivaient comme un cheveu sur la soupe. Cerise sur le gâteau, le narrateur, qui, après tous ces évènements, devient un écrivain ! Nous voguons dans les conventions littéraires.. Non, Monsieur Foenkinos, vous ne me convainquez pas du tout.
 Les souvenirs, David Foenkinos, Gallimard, 2011

mardi 13 septembre 2011

On the road again

Tout bascule un sombre jour pour Roy Caddy. Il apprend qu'il est atteint d'un cancer et son patron, un caïd de la Nouvelle-Orléans, l'envoie sur un sale coup pour le faire disparaître. Roy ne veut pas mourir et dans sa fuite, il entraîne la jeune prostituée Rocky qu'il a sauvée du massacre. Vite rejoints par la petite soeur de cette dernière, ils partent pour Galveston, une ville balnéaire auréolée de vieux souvenirs de Roy.
Le récit est habilement construit alternant la cavale et la vie de Roy vingt ans plus tard. C'est de cette tension permanente entre ce que nous ne savons pas encore du passé mais dont nous voyons certains effets dans le présent que naît toute la dynamique de ce livre qui se lit d'un trait. Tous les ingrédients du noir sont présents, presque un peu trop à mon goût car Pizzolatto n'évite pas l'écueil de certains clichés. Néanmoins, j'ai eu plaisir à suivre l'histoire d'un homme qui décide de rompre le cercle de la violence dans lequel il a toujours vécu pour sauver deux êtres.
Galveston, Nic Pizzolatto, Belfond, 2011

dimanche 4 septembre 2011

Un murmure au creux de l'oreille

1187, Esclarmonde brave son père et l'ordre établi en refusant d'épouser celui à qui elle a été promise, mais pour échapper à son destin, elle ne dispose que d'une arme : embrasser la religion. Elle ne le fait pas de n'importe quelle manière, puisque en ces temps religieux, elle décide de devenir une recluse. Son père, contraint de céder, lui fait édifier une chapelle dans laquelle elle se trouve emmurée vivante. Esclarmonde n'a plus qu'une étroite fenêtre avec des barreaux comme seule ouverture sur le monde. Pourtant c'est auprès d'elle que bientôt se pressent des pèlerins venant de tout le royaume afin qu'elle prie pour eux. 
Pour être libre, Esclarmonde choisit la réclusion, car pour décider de la conduite de sa vie, une femme ne peut être que religieuse, veuve ou sortant de l'ordinaire. Ces belles figures féminines qui imprègnent le récit ont pour contrepoint des hommes enclin à la violence que seul un nouvel idéal chevaleresque pourrait détourner de cette voie. Ainsi, le père d'Esclarmonde se fait croisé tandis que l'ancien promis de la jeune fille devient le chantre de l'amour courtois. Réalisme et merveilleux se conjuguent et se mêlent dans ce beau récit et nous valent quelques passages d'une grande poésie comme cette croisade qu'Esclarmonde voit en rêve. Le roman verse sans cesse de l'un à l'autre mais lorsque le rempart de la foi et des superstitions s'effrite, la cruauté du monde réel reprend le dessus.
Du domaine des murmures, Carole Martinez, Gallimard, 2011

lundi 29 août 2011

Alons voir si la rose...

Le jour de son cinquante-sixième anniversaire, Eva reçoit de sa petite fille Anna-Clara un beau journal décoré de roses dans lequel elle va pour la première fois confier ce qu'elle n'a jamais dit à personne : "J'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept quand j'ai finalement mis mon projet à exécution." Ce sont ces deux phrases qui inaugurent ce journal dans lequel Eva va raconter ses relations avec une mère qui ne l'a jamais aimée et l'a maltraitée.
Le journal alterne les souvenirs et les évocations du présent. Eva raconte ces instants décisifs qui l'ont marqué enfant et l'ont blessé. Drôle et parfois très cruel, le portrait qu'elle dresse d'elle-même s'écarte beaucoup de l'image de femme mature, à la vie tranquille qu'elle véhicule autour d'elle. Maria Ernestam aborde la question des relations humaines sous différents angles. Qu'elles soient familiales, amicales ou amoureuses, toutes sont faites de choix, d'erreurs qui marquent profondément nos vies. Ce roman initiatique qui dévoile savamment ses secrets s'avère être une excellente surprise.
Les oreilles de Buster, Maria Ernestam, Gaïa, 2011

vendredi 19 août 2011

La nature au coeur de la ville

Edal, jeune agent fédéral, spécialiste des trafics d'animaux exotiques, parcoure à vélo les rues et parcs de Toronto afin d'oublier son travail, sa mère, ses soucis. Un jour, elle remarque Lily qui ramasse les oiseaux qui se sont tués ou assommés après s'être cognés contre les fenêtres des grands buildings de la ville. Intriguée, elle la suit jusqu'à une casse de voitures appartenant à Guy. Ce dernier accueille chez lui tous les êtres vivants blessés par la vie.
Ce livre développe de nombreux personnages que ce soient des humains ou des animaux et l'on passe des uns aux autres de manière un peu abrupte. Une fois admis ce mode de construction, on peut pleinement apprécier ce livre qui traite de la place qu'occupent les animaux dans nos villes. Coyotes, ratons laveurs, buses, tous développent des stratégies pour se nourrir, survivre et se dissimuler dans cette autre faune qu'est la ville et qui est un territoire éminemment dangereux pour eux. La nature et les animaux qui sont au coeur de ce roman ne doivent pas faire oublier des personnages attachants abîmés par la vie et dont le passé ressurgit peu à peu. Malgré ses qualités littéraires et sa finesse psychologique, je n'ai pas été touchée par Fauna, ce qui ne veut pas dire qu'il ne rencontrera pas son public.
Fauna, Alissa York, Ed. Joëlle Losfeld, 2011

mercredi 10 août 2011

Aller jusqu'au bout du chemin


Tim Farnworth a tout pour lui : une belle situation dans un grand cabinet d'avocat, une belle maison, une femme aimante. Seule ombre au tableau, ces crises étranges et incontrôlables qui le poussent à marcher jusqu'à l'épuisement. Incapable de canaliser ces accès, Tim met en danger son couple, son avenir professionnel ainsi que sa vie. 
Ce livre est une belle surprise alors même que l'entreprise pouvait être assez risquée. Nous suivons la lutte de Tim et de sa femme contre cette maladie inexplicable qui va les conduire au bord du gouffre. Joshua Ferris analyse de manière fine les incidences sociales et psychologiques que peut avoir une maladie invalidante. Toute la première partie de son livre est remarquable et très bien rythmée. La seconde partie est un peu moins bonne même s'il arrive à distiller quelques rebondissements qui maintiennent l'attention de son lecteur. J'ai été très émue par cette aventure humaine et ce livre est avant tout une très belle histoire d'amour.
Le pied mécanique, Joshua Ferris, J.-C. Lattès, 2011

mardi 2 août 2011

Accabadora

Un petit village sarde dans les années cinquante. Maria Listru est cédée par sa famille, trop pauvre pour l'élever, à Bonaria Urrai, une vieille femme qui n'a jamais eu d'enfant. Devenue la fill'e anima de Bonaria, elle habite désormais la maison de la couturière qui l'envoie à l'école et lui apprend un métier. Quelques fois la nuit, on vient chercher dans le plus grand secret Bonaria, elle est l'Accabadora, celle qui abrège les souffrances des mourants. Seule au village à ignorer le rôle de sa mère adoptive, Maria le découvre dans de sombres circonstances.
Ce beau livre, à la langue belle et limpide, évoque une pratique ancestrale qui n'est autre que celle de l'euthanasie. Celle-ci est admise par la communauté même si elle fait partie des non-dits. Cependant l'Accabadora n'intervient qu'à certaines conditions et ne doit pas laisser son jugement s'obscurcir. Tzia Bonaria vacille lorsqu'elle pense avoir transgressé les limites de ce qu'elle peut faire. Donner la mort, même s'il s'agit de délivrer un malade de ses souffrances, est un acte grave. Les  protagonistes offrent des points de vue différents sur le sujet et permettent de nourrir sa propre réflexion.
Accabadora, Michela Murgia, Le Seuil, 2011

mercredi 20 juillet 2011

Insoutenable solitude

Nestor est pris au piège par une cathédrale de chair, la sienne, qui est aussi le symbole de son désespoir et de sa solitude. Immigré argentin fuyant la dictature, il retrouve à Paris une jeune femme qu'il avait rencontré autrefois et qu'il épouse. La vie reprend plus douce mais elle finit par le meurtrir à nouveau. Nestor ne fait plus rien si ce n'est manger et rendre visite tous les jours à sa femme plongée dans le coma. Il ne parle pas pourtant sa constance finit pas intriguer Alice un médecin de l'hôpital.
Plus proche de la grande nouvelle que du roman, le récit se termine par trois fins alternatives qui offrent une réponse différente à la lecture du texte. Je trouve l'idée intéressante comme j'ai apprécié l'écriture ciselée de l'écrivain. Je reste un peu frustrée car j'aurais aimé que le texte soit plus développé. Les deux personnages principaux sont intéressants mais ils auraient mérité d'être plus exploités car la relation qui naît entre eux apparaît par trop factice et improbable.
Nestor rend les armes, Clara Dupont-Monod, S. Wespieser, 2011 

mercredi 13 juillet 2011

Dis, Maman, c'est quoi le monde ?

Jack est sur le point de fêter ses cinq ans. C'est un petit garçon  qui a les préoccupations de son âge : il se passionne pour les aventures de Dora l'exploratrice et tout ce qui peut être diffusé par Madame Télé. Hormis sa maman, qui occupe une grande place dans sa vie et tout ce qui constitue la Chambre, Jack ne connaît rien du monde extérieur car il est né en captivité. Sa maman prend conscience que l'enfant grandit et que, l'illusion de mener une vie normale qu'elle a entretenue pour Jack, s'effrite devant ses questions incessantes. Il est temps pour eux de se sauver et de retrouver le monde extérieur. 
La narration est assurée par Jack qui évoque ce qu'il connaît soit une chambre de quinze mètres carrés et tout ce qu'elle contient. Le fait que cette tragédie soit exprimée par des mots d'enfant permet de ne pas prendre toute l'horreur de la situation de plein fouet. Jack relate des événements qui entrent dans son système de compréhension du monde. Seuls sa maman et le lecteur mesurent le décalage entre ce qui devrait être mais qui ne l'est pas. La fuite et la (re)découverte du monde extérieur va bouleverser les échelles de valeur de Jack et causer un électrochoc à sa maman. Ensemble, ils vont lutter pour (ré)apprendre à vivre. 
Room, Emma Donoghue, Stock, 2011

samedi 9 juillet 2011

De l'anatomie de l'oursin et autres considérations littéraires


Le narrateur rencontre Azélie lors d'un dîner à Paris. Cette dernière lui propose de venir s'installer dans son château afin de rédiger le catalogue de la somptueuse bibliothèque de la famille. Suivent trois années de souvenirs, de portraits et de petits événements qui viennent pimenter la vie tranquille du narrateur jusqu'à la révélation d'un terrible secret.
L'intrigue se trouve ainsi résumée en quelques lignes car l'intérêt de ce livre ne repose que sur son écriture et les propos du narrateur. Thierry Laget rend hommage à ses maîtres que sont Balzac, Stendhal et Proust. Ce dernier a une influence considérable sur la prose de l'auteur lui donnant un charme suranné entaché d'un brin de pédanterie. Cette écriture introduit un décalage amusant lorsque le narrateur aborde des sujets prosaïques ou directement liés à notre société contemporaine comme un passage en centre commercial. L'ironie sous-jacente donne quelques passages assez bien troussés, je demeure néanmoins sceptique sur certains propos tenus par le narrateur portant aux nues une littérature exigeante. Fort bien, mais en ce cas, une belle écriture, des références culturelles ne suffisent pas à pallier l'absence de profondeur de l'ensemble.
La lanterne d'Aristote, Thierry Laget, Gallimard, 2011 (lu sur épreuves)

samedi 2 juillet 2011

Tragédie grecque en terres australes

Jack Fitzgerald est entré dans la police après la disparition mystérieuse de sa femme et de sa fille sur l'île du Sud en Nouvelle-Zélande. Vingt-cinq ans plus tard, il est devenu un des meilleurs flics d'Auckland mais son désespoir et sa colère ne se sont pas pour autant éteints. Une jeune femme est retrouvée morte sur la plage mutilée. Les conditions de sa mort sont identiques à une affaire ancienne sur laquelle a travaillé la criminologue Ann Waitura, qui accompagne Fitzgerald dans son enquête.
L'intrigue repose sur Jack Fitzgerald, un personnage éminemment charismatique et torturé. Hanté par la disparition de sa femme et de sa fille, il est désespéré, violent et dépasse sans cesse les limites. Il y a un véritable souffle dans ce roman qui est d'une rare noirceur et se termine par une véritable hécatombe. Je suis restée un peu sonnée à la fin de ma lecture. Ce livre m'a laissé une forte impression tant sa mécanique est implacable.
Haka, Caryl Férey, Folio, 2003

mardi 28 juin 2011

Les croyances ont la peau dure


Valentine Vendermot hésite à franchir les portes de la Brigade criminelle pour demander son aide au commissaire Adamsberg. Il est difficile d'expliquer à quelqu'un que Lina, sa fille, a vu passer la nuit, dans la forêt d'Alance, l'Armée furieuse aussi appelée la Mesnie Hellequin. Ce cortège étrange composé de mort-vivants vient depuis le XIe siècle s'emparer des hommes dont les crimes sont restés impunis. Lina a reconnu des hommes du village d'Ordebec et l'un d'eux a déjà disparu... Délaissant une enquête sur la mort d'un grand industriel qui commence à sentir le roussi, Adamsberg part pour la Normandie.
Fred Vargas mène de front deux affaires : l'une est ancrée dans le monde contemporain tandis que l'autre baigne dans ce fonds de peurs ancestrales si chères à l'auteur. Sans avoir de liens réels entre elles, elles sont imbriquées de manière assez habile. De nouveaux personnages savoureux font leur apparition comme la vielle Léo et l'étonnante fratrie Vendermot. Quant au personnage de Zerk (apparu dans Un lieu incertain, mais je n'en dirais pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui ne l'ont pas lu), il commence à prendre de l'épaisseur, mais j'aurais aimé que ses liens avec le commissaire soient un peu plus approfondi. Quoiqu'il en soit, ce dernier opus de Vargas est vraiment très bon !
L'armée furieuse, Fred Vargas, Viviane Hamy, 2011

samedi 18 juin 2011

Un poème apocalyptique

Syn et Ack, son loup, parcourent les étendus d'un monde dévasté. Les hommes se sont regroupés et ont reformé des communautés avec leurs règles de vie propres : certains sont devenus des troglodytes, d'autres nomades, d'autres encore fouillent les ruines d'une civilisation passée. Ils se protègent  tous des diasols, des robots d'un ancien temps, seuls  vestiges encore actifs de cette époque.
Petites touches par petites touches, nous prenons la mesure de cette univers. La langue est belle et il y a un vrai travail d'écriture et de mise en forme. Les noms latins des chapitres donnent le ton de ceux-ci et apporte une dimension nostalgique. La mélancolie baigne ce livre. Son atmosphère vous imprègne peu à peu et finit par vous submerger. L'intrigue, qui se développe lentement, narre la quête des origines de Syn et la découverte du sort de l'humanité. Une humanité qui doit malgré tout continuer à avancer et se trouve à nouveau à l'heure des choix.
Cygnis, Vincent Gessler, L'Atalante, 2010

samedi 11 juin 2011

Un roman noir gothique

Adamsberg et Danglard sont invités à Londres pour suivre un colloque professionnel. Rien de bien passionnant pour le commissaire surtout si on ne comprend pas un traître mot d'anglais et que l'on dépend de son adjoint pour toute forme de communication verbale. C'était sans compter une visite surprise dans le fameux cimetière de Highgate où dix-sept pieds d'hommes et de femmes fraîchement décongelés et pourvus de chaussures de fabrication française et serbe sont déposés devant l'entrée...
Fred Vargas s'intéresse beaucoup aux mécanismes des peurs collectives. Elle avait abordé par le passé la bête monstrueuse, la peste, et cette fois-ci, elle s'attaque au mythe du vampire dans son berceau d'origine les Balkans. Les croyances ancestrales et les peurs qu'elles engendrent sont à l'origine des meurtres sanglants auxquels sont confrontés la brigade. Ce côté anthropologique est un des aspects de l'oeuvre de Vargas qui m'intéresse le plus, d'autant qu'elle parvient à l'insérer et à l'utiliser habilement dans le cadre de la fiction. Clin d'oeil réussi à Bram Stocker !
Un lieu incertain, Fred Vargas, Viviane Hamy, 2008

jeudi 9 juin 2011

Une jeunesse désenchantée

Une bande de copains, qui s'est formée à l'université, se retrouve de temps en temps pour une session de musique en studio. Tous ont du mal à s'insérer dans la vie active : entre le chômage, les petits boulots mal payés ou les emplois stables mais contraignants, aucun d'eux ne s'y retrouve au fond. 
En proie au doute, une question lancinante revient : est-il encore temps de réaliser ses rêves ou faut-il finalement rentrer dans le rang ? D'autant qu'il faut faire face aux  réalités du quotidien mais aussi aux drames qui peuvent survenir là où on les attend le moins. Le temps d'un court instant nous partageons les joies, les peines et les peurs de cette bande de copains, mais la vie reprend ses droits et leur chemin se séparent. Une page se tourne.
Le dessin très réaliste et expressif d'Asano rend les personnages plus proches. L'émotion affleure tout au long de son récit et rend Meiko et ses amis très attachants. Il dépeint avec talent une jeunesse qui se cherche et à laquelle  beaucoup pourront s'identifier.
Solanin, T.1 et T.2, Asano Inio, Kana, 2007-2008

jeudi 2 juin 2011

La fontaine de jouvence

Tout commence par une de ces intuitions dont le commissaire Adamsberg a le secret : pourquoi des hommes, qui viennent d'être proprement égorgés suite à un probable règlement de compte entre dealers, ont-ils de la terre sous les doigts ? Qui a bien pu les engager pour ouvrir et refermer discrètement une tombe sans rien prendre au premier abord ? Tels sont les premiers éléments de cette nouvelle intrigue dont les fils sont ténus et pourtant savamment entrelacés. 
Plus que jamais  le roman fleurte avec le fantastique sans pour autant verser dans l'irréalisme le plus total. Fred Vargas, tel un funambule, reste sur son fil et ne le perd pas. Jamais avare de nouveaux personnages, elle introduit celui du lieutenant Veyrenc de Bilhc qui a la fâcheuse habitude de ne s'exprimer qu'en alexandrins ! Les jeux avec les mots et avec notre langue sont encore au rendez-vous. Un bon cru !
Dans les bois éternels, Fred Vargas, Viviane Hamy, 2006

mercredi 1 juin 2011

L'émergence d'une conscience nouvelle

En 1979, les gallinacés atteignent un nouveau niveau de conscience les rendant capables de penser et de s'exprimer pour le plus grand désarroi de l'humanité. De nos jours, Jake Gallo traîne son spleen ne sachant pas vraiment ce qu'il veut faire de sa vie. Son père Elmer, qui vient de décéder, lui lègue son journal intime dans lequel il raconte son éveil à la conscience et la difficile cohabitation avec les humains.
Conte violent et tragique, le récit de Gerry Alanguilan traite de la ségrégation et du racisme. Du jour au lendemain, ceux qui étaient parqués et élevés pour être consommés deviennent des êtres avec qui il faut compter. Les massacres et les humiliations au nom de la supériorité d'un peuple sur un autre sont dénoncés par l'absurde et avec un dessin précis et réaliste. C'est une lecture étonnante et décapante, qui peut être un contrepoint intéressant à Maus de Spiegelman.
 Elmer, Gerry Alanguilan, Ed. ça et là, 2010

lundi 30 mai 2011

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

Après de brillantes études en chimie, Fritz Haber aspire  aux honneurs et à une grande carrière universitaire. Cependant les embûches sont nombreuses et les déceptions cuisantes pour un juif allemand en cette fin du XIXe siècle. Haber est un être tourmenté par son ambition, son désir d'intégration dans la société allemande et sa judaité qu'il ne peut renier. Autant d'éléments qui éclaire cette biographie d'un prix Nobel de chimie, récompensé pour ses travaux sur les premiers engrais chimiques mais qui est également le père de la guerre chimique moderne. 
Le travail de Vandermeulen est impressionnant à plus d'un titre. Il nous montre un Fritz Haber, confronté aux paradoxes d'une époque, qui exhorte au sentiment national (puisque l'Allemagne s'est fédérée depuis peu) et qui voit le développement du mouvement sioniste ainsi que la montée de l'antisémitisme. L'auteur illustre son propos de nombreuses références littéraires, toujours très pertinentes et introduit au cours du récit comme un leitmotiv Siegfried le grand héros germanique du Ring de Wagner. La mise en page rappelle les films muets avec ces cartons de dialogue insérés dans les cases. Quant au rendu graphique, il est superbe. Vandermeulen maîtrise parfaitement le lavis en sépia auquel il ajoute de l'eau de Javel afin de donner à ses images très réalistes un aspect flou. L'entreprise est passionnante et j'ai hâte d'en lire la suite.
L'esprit du temps, Fritz Haber T.1, David Vandermeulen, Delcourt, 2011

samedi 21 mai 2011

Quand l'utopie est confrontée au crime

Janvier 1914, le cadavre d'un ouvrier fondeur est retrouvé au Familistère de Guise, une utopie socialiste réalisée par Jean-Baptiste Godin, un disciple de Fourrier. Ce meurtre, le premier d'une longue série, déstabilise cette communauté gérée par les ouvriers qui sont à la fois propriétaires et cadres de l'usine. Victor Leblanc, journaliste à l'Humanité, s'intéresse à l'affaire et trouve en Ada Volsheim, membre de la cité ouvrière, une alliée de choix.
L'enquête policière, de facture classique, s'articule bien avec la reconstitution historique d'une expérience unique en son genre. La modélisation du familistère et la description de son organisation interne m'ont beaucoup intéressé. C'est ce cadre et cette communauté vivant en autarcie qui donnent à cette histoire son atmosphère  particulière. Le dessin et les tonalités grises renforcent cette impression.
De briques et de sang, Régis Hautière & David François, KSTR, 2010

Pelleter les nuages

Le commissaire Adamsberg s'apprête à partir au Canada avec son équipe pour un stage sur les nouvelles techniques d'investigation, lorsque un vieux démon surgit du passé. Une jeune fille est retrouvée morte, frappée par trois coups de poinçons. Pour Adamsberg, aucun doute n'est possible, le tueur au trident a de nouveau frappé. Il va enfin pouvoir faire  la lumière sur le meurtre de la fiancée de Raphaël, son frère. Reste un problème de taille et non des moindres : l'assassin est mort depuis vingt ans...
Un grand cru qui se consomme sans modération ! La langue de Fred Vargas est merveilleuse et teintée de québécois, c'est un pur régal. Elle creuse le personnage d'Adamsberg qui est en proie au doute et révèle ses faiblesses ce qui le prend profondément humain. Ses personnages secondaires sont toujours aussi réussis, pleins de ressources et très attachants.
Sous les vents de Neptune, Fred Vargas, Viviane Hamy, 2004

jeudi 19 mai 2011

La vengeance est plat qui se mange froid

Alex, une jolie jeune femme, se fait enlever dans la rue. Elle est séquestrée dans des conditions abominables par un homme qui veut la voir mourir. Le commissaire Camille Verhoeven est chargé de l'affaire. Contre son gré, il revient sur le devant de la scène après les sombres événements de Travail soigné.
Si vous pensez aborder un thriller tout ce qu'il y a de plus conventionnel, détrompez-vous ! Les rebondissements sont nombreux et inattendus, et c'est la grande force de Pierre Lemaitre dont les intrigues sont toujours très bien construites. Certaines scènes pourront être trop violentes pour certains, néanmoins le coup de théâtre final est réussi. 
Alex, Pierre Lemaitre, Albin Michel, 2011

Voir Berlin et survivre

De 1936 à 1947, Bernie Gunther, ancien policier de la Kripo devenu détective privé, tente d'exercer son métier de son mieux dans le Berlin nazi. Trois romans, trois enquêtes avec des cadres historiques bien plantés : les Jeux Olympiques, la nuit de Cristal, Berlin et Vienne en ruines, objets de toutes les convoitises. Témoin cynique et impuissant, Gunther essaye de survivre et n'échappe pas à certaines compromissions, mais malgré la tourmente, il préserve certaines valeurs humaines.
Philip Kerr décrit très bien l'ambiance angoissante de ces années noires ainsi que la mécanique implacable qui se met en place. L'atmosphère de l'après-guerre, les prémices de la Guerre Froide, la difficile reconstruction d'un pays exsangue sont également bien rendus. C'est cette dimension historique qui fait la force de cette trilogie, car du point de vue des intrigues, seule La pâle figure est vraiment aboutie. L'été de cristal a une trame un peu trop prévisible et le Requiem allemand relève davantage du roman d'espionnage que du roman noir.
 Philip Kerr, Trilogie Berlinoise, Livre de Poche, 2010

samedi 14 mai 2011

Le Vieux Royaume

Dans le Vieux Royaume vivaient un roi orgueilleux rongé par les cauchemars, un chevalier incorruptible, un assassin astucieux, un copiste malchanceux, un barbare tourmenté, un jolie paysanne, des fantômes errants, un prêtre au coeur de l'obscurité. Chaque nouvelle décrit par petites touches ce monde qui prend corps au fur et à mesure des récits. Ce sont ses croyances, ses légendes mais aussi les intrigues qui se nouent, qui donnent d'autant plus d'attrait aux histoires de ce recueil. La langue est très belle et les nombreuses descriptions ont un grand pouvoir évocateur. Même après sa lecture, on reste sous le charme de ce très beau livre
Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera, Folio, 2009

Où est la femme de ménage ?

 Deux femmes vivent seules dans une belle demeure à la campagne. L'une est veuve depuis peu et s'est attachée à Marie-Jeanne, la nièce de son mari, une jeune femme vive et sensuelle. Pourtant cette liaison ne semble plus convenir à la veuve qui se détache de Marie-Jeanne et s'agace du lien de dépendance qu'elle a crée et qu'elle entretient. Que restera-t-il de leurs amours ?
Ce premier roman est très bien écrit mais je n'ai pas été sensible à son charme. Les états d'âme tortueux et la cruauté de la veuve m'ont laissé de marbre. Je suis restée spectatrice du livre plus que lectrice. Quant à la femme de ménage, elle brille par son absence, si ce n'est qu'elle est le destinataire de cette longue confession...
A l'attention de la femme de ménage, Emilie Desvaux, Stock, 2011

mercredi 11 mai 2011

Le temps qui s'enfuit

La mer, le soleil, une plage un peu isolée, que peut-on rêver de mieux pour ses vacances d'été ? Pourtant, les différents personnages qui se retrouvent sur cette crique vont être pris au piège d'un événement fantastique. Le temps se met à s'accélérer : les minutes s'égrainent comme des mois et les heures comme des années. Pris au piège, chacun dévoile ce qu'il a au plus profond de lui : de la plus intense noirceur à l'amour le plus profond. Leur destin est inexorable, comme celui de chaque homme. Vient le moment où les derniers grains de sable s'écoulent du sablier.
Ce récit fantastique m'a beaucoup secouée par son côté âpre et mordant. Je suis restée un peu sonnée à la fin de ma lecture. Sa conclusion est inéluctable pour tous mais c'est à chacun de faire en sorte que sa vie soit belle et intensément vécue. Carpe diem.
Château de sable, Pierre-Oscar Levy et Frederick Peeters, Atrabile, 2010

mardi 10 mai 2011

Le grand saut vers l'inconnu

Voici quelques années déjà que je conserve des traces de mes lectures personnelles. J'ai commencé à le faire par curiosité et pour me faire une idée de ce que je pouvais lire au cours d'une année. Lectrice dans l'âme, j'ai toujours dévoré tout ce qui pouvait me tomber sous la main. Certains livres m'ont marqué à jamais, d'autres sont tombés dans les abîmes de ma mémoire. Afin de ne rien oublier, le meilleur comme le pire, je me décide enfin à faire partager mes coups de coeur et mes déceptions.